La journée d’un bordache en 1865

Illustration extraite de l’ouvrage de Flavien Pech de Cadel, Histoire de l’École navale et des institutions qui l’ont précédée.

Il est 5h du matin, c’est le branle-bas, les quelques 120 élèves de l’École navale doivent se lever en dix minutes et faire leur hamac. La plupart ont entre 15 et 16 ans. Pour eux, cette nouvelle journée à bord du vaisseau-école Borda durera seize heures. Habituellement, dix environ sont consacrées aux cours ! Mais aujourd’hui, tous sont de bonne humeur, nous sommes jeudi, c’est le jour des exercices pratiques et surtout de la visite des parents. Celle-ci s’effectuera à terre car, depuis 1863, les visites à bord sont interdites.

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Ces marins ne sachant pas nager

Sous l’Ancien Régime, il est très paradoxal de constater que la plupart des officiers de vaisseau ne savaient pas nager, et ce en vertu d’un principe simple : si on avait le malheur de tomber à l’eau, en sachant nager, on souffrait longtemps ; si au contraire on ignorait la natation, on coulait immédiatement sans véritablement souffrir. L’historien spécialiste de la marine Michel Vergé-Franceschi estime ainsi que seuls 1 à 2% des officiers savaient nager aux 17ème et 18ème siècles.

A cette époque, seuls les chevaliers de Malte apprenaient à nager avant d’embarquer sur les galères de la Religion, bâtiments de bas bord dont la principale technique de combat était l’abordage, durant lequel les risques de tomber à la mer étaient grands. C’est grâce à cet apprentissage que le commandeur de Verdille fit partie des rares survivants du naufrage de la Lune devant Giens en 1664, ou que le comte de Tourville fut l’un des quatre rescapés du Sans-Pareil, qui sombra le 19 octobre 1679. Son fils ainé de 19 ans n’eut pas la même chance et compta parmi les 800 marins qui se noyèrent ce jour-là…

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Des vaisseaux russes cédés à la France (1809)

J’indiquais dans un précèdent billet à propos de l’École navale que l’un des premiers vaisseaux-écoles aménagés sous l’Empire pour recevoir et former les futurs officiers de la Marine française fut en fait un vieux vaisseau russe, cédé à la France en décembre 1809. L’histoire de cette cession mérite d’être précisée.

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École navale : une bien belle histoire (1840)

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Extrait du Journal Politique et Littéraire de Toulouse et de Haute-Garonne du 31 janvier 1840 (n°16, 29e année) :

« On lit dans l’Auxiliaire Breton de Rennes :

Le trait de touchante camaraderie d’école que nous allons rapporter s’est passé à Brest, sur le vaisseau-école l’Orion. Un élève de l’école de marine en a été l’objet. Ce jeune homme sort de nos murs et appartient en quelque sorte à notre ville : c’est un titre de plus pour exciter notre intéret.

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Une mutinerie à bord du Borda (1846)

Le Borda, extrait du journal l’Illustration, janvier-février 1847

J’évoquais dans un précédent billet consacré à l’histoire de l’École navale la dureté de la vie à bord des vaisseaux-écoles, notamment sur l’Orion et le premier Borda (ex-le Commerce de Paris), tous deux à deux ponts seulement et plus petits que les Borda suivants, à trois ponts.

Ces conditions de vie particulièrement difficiles pour les élèves, tous âgés d’une quinzaine d’années, provoquèrent des désordres relativement réguliers, surtout sur le premier Borda, où l’ennui, la monotonie et les rivalités entre les deux divisions – séparant les jeunes de première année, les fistots, et ceux de seconde année, les anciens – entraînèrent plusieurs rixes. L’une d’entre elles en 1846 dégénéra même en véritable mutinerie, nécessitant l’intervention du préfet maritime et le renvoi de sept élèves par le ministre de la Marine de l’époque, le baron de Mackau.

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Les bâtiments de l’École navale au XIXe siècle

Au XIXe siècle, deux systèmes différents ont été pratiqués en France concernant la formation des futurs officiers de marine, celui de la séparation totale des études théoriques et des études pratiques, et celui au contraire de la fusion complète de ces études. Le premier fut symbolisé par le Collège de marine d’Angoulême, créé en 1816 sous la Restauration. Bien que le collège eut quelques partisans, il fut grandement et durablement critiqué, puis finalement supprimé en 1830, au début de la Monarchie de Juillet, au profit du second système, représenté par l’École navale installée à Brest sur le vaisseau l’Orion puis le Borda. L’École navale fut certainement inspirée des Écoles spéciales de marine créées par Napoléon en 1810.

Bien que l’École navale soit bien connue des personnes au courant des choses de la marine, l’histoire des navires qui ont accueilli cette institution est souvent occultée.

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Brève histoire de l’École navale (1er novembre 1830)

Nous sommes aujourd’hui le 1er novembre, et comme tous les 1er novembre depuis 183 ans, l’École navale, officiellement née en 1830 comme école flottante, célèbre son anniversaire. L’occasion de présenter une brève histoire de cette institution, chargée comme vous le savez probablement d’assurer la formation initiale des futurs officiers de la Marine nationale.

L’origine du vaisseau-école en France remonte en fait au décret du 27 septembre 1810, lorsque Napoléon, souhaitant réorganiser la formation des officiers de marine, avait créé deux Écoles spéciales de marine : l’une à Brest sur le Tourville, et l’autre à Toulon sur le Duquesne. Les deux navires avaient été disposés pour permettre des études suivies, avec des salles de cours dans la batterie haute et des bureaux et hamacs pour les élèves dans la batterie basse. Les écoles flottantes n’étant aucunement navigantes, plusieurs corvettes furent annexées aux deux vaisseau-écoles pour apprendre aux jeunes élèves l’art de l’appareillage et de la navigation.

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Pourquoi je veux être marin…

Extrait de Les Écoles royales de France ou l’avenir de la jeunesse par Alexandre de Saillet (1843) :

« De toutes les carrières, aucune n’exerce plus de séductions sur les jeunes imaginations que celle de la marine. Ici, la poésie domine et se retrouve partout ; sur la mer, avec ses magnifiques spectacles, ses sublimes horreurs, ses immenses solitudes ; au milieu de la tempête avec ses convulsions, ses dangers et ses luttes ; dans les voyages avec leurs émotions imprévues, l’ardent attrait de la curiosité ; le vaisseau, surtout, cet être inerte et pourtant animé, docile, obéissant, gracieux, multiple, admirable dans son ensemble comme dans ses détails, qui semble s’identifier avec les sentiments de celui qui le guide, qui se passionne avec lui, se calme, s’irrite, bondit, se précipite, s’arrête au gré du maître : le vaisseau est la manifestation la plus saisissante du pouvoir de l’homme sur les éléments. On comprend que les plus nobles qualités sont nécessaires à celui qui veut être marin. Dans cette profession, le courage, le sang-froid, le mépris des douleurs de la vie, la persévérance dans la volonté, sont à chaque instant mis à l’épreuve ; voilà pourquoi la jeunesse, qui est ardente et généreuse, éprise de tout ce qui est noble et grand, avide d’émotions, trouve tant d’attrait dans le métier de la mer. Quel est l’écolier, qui, l’esprit exalté par la lecture attachante du livre de Daniel de Foe, ou par celle de tous les Robinsons qu’il a inspirées, quel est l’écolier qui, de douze à seize ans, et plus loin encore, n’ait pas rêvé les aventures ?… Eh ! mon Dieu ! nous avons tous couru, en imagination, les plus imminents dangers maritimes ; nous avons fait naufrage, nous avons livré des combats acharnés à de farouches pirates, découvert des îles, que sais-je, un nouveau monde peut-être ; nous avons surpassé les travaux des Cook, des Lapeyrouse, des Bougainville, des Dumont-Durville ! Combien de fois avons-nous assisté au baptême du bonhomme la Ligne, traversé les glaces polaires, couché sous la chaumière indienne, ou terré dans la tanière enfumée du Kainschadale ?… Douces illusions du jeune âge, rêves charmants, erreurs délicieuses, on vous regrette quand vous avez fui, sans laisser sur notre vie d’autres traces que celles d’un songe agréable ; mais qu’il vous déplore amèrement celui qui, sous votre influence et sans consulter murement ses forces, a déterminé sa route et lancé son char ! Que de désappointements l’attendent ! Quels déboires il essuiera, par combien d’ennuis, de chagrins, de découragements il paiera son imprudence ! Combien il eut béni la voix protectrice qui, l’arrêtant à son départ, l’eut fait revenir sur ses pas ! Mais, hélas ! il est trop tard, il faut qu’il marche, qu’il marche toujours malgré la fatigue, malgré l’abattement, et qu’il porte jusqu’au bout, comme une croix, le fardeau qui l’écrase. […] »

Car assurément, le choix d’une carrière en général, et en particulier celle de marin, mérite réflexion…