« Nous n’avons pas assez de bâtiments pour leur donner le nom de toutes nos victoires ! »

Les deux sous-marins de type Agosta, ex-Bévéziers et La Praya, sur le point d’être démantelés à Brest en novembre 2020. Crédit : Ewan Lebourdais – http://Ewan-photo.fr

Un jour de l’année 1897, un capitaine anglais de passage à Toulon se vanta devant un jeune officier de marine français de commander un navire nommé Waterloo. Le Français répliqua simplement : « En France, nous n’avons pas assez de bâtiments pour leur donner le nom de toutes nos victoires. » C’était bien répondu !

En France, l’idée de donner aux navires de la marine de guerre des noms de batailles victorieuses remonte à la période révolutionnaire. Elle fut par la suite développée au XIXe siècle, notamment sous le Premier Empire et la Monarchie de Juillet.

Lire la suite

Le lancement du Valmy vu par la presse (1847)

« Mise à l’eau du vaisseau à trois ponts le Valmy, construit dans le port de Brest sur les plans de M. Leroux. D’après un croquis de M. Copillet. » Extrait de L’Illustration, Journal Universel, N° 240, 2 octobre 1847

Le 9 février 1847, le journal Le Constitutionnel annonce la mise à l’eau prochaine d’un vaisseau de 120 canons à Brest :

« Cinq navires doivent être lancés en 1847, au port de Brest, savoir : le vaisseau de 100 canons le Tage, les frégates la Persévérante, de 60 canons, la Némésis, de 50 canons, le brick de premier rang le Faune, la frégate-aviso à vapeur le Caffarelli. […] En tête de cette liste devrait être le vaisseau de 120 canons le Valmy, le seul vaisseau de ce rang construit sur des plans qui ne datent pas du dernier siècle, le seul par conséquent où tout ait été calculé d’après les nécessités de l’armement actuel de nos navires, qui est bien différent de l’armement des vaisseaux en 1790 […] »

Fait étonnant souligné par le journaliste : au milieu du XIXe siècle, tous les vaisseaux de premier rang français construits depuis la fin de l’Ancien Régime sont issus du plan-type du 118 canons réalisé par les ingénieurs Sané et Borda à la veille de la Révolution française de 1789, si l’on excepte le cas particulier des deux vaisseaux de 110 canons construits sous l’Empire. Le lancement du Valmy attire donc la curiosité des contemporains, d’autant qu’il s’agit alors du plus grand vaisseau jamais construit par la France.

Cet important événement, qui eut lieu le 25 septembre 1847, fut rapporté par le journal les deux derniers jours du même mois…

Lire la suite

La journée d’un bordache en 1865

Illustration extraite de l’ouvrage de Flavien Pech de Cadel, Histoire de l’École navale et des institutions qui l’ont précédée.

Il est 5h du matin, c’est le branle-bas, les quelques 120 élèves de l’École navale doivent se lever en dix minutes et faire leur hamac. La plupart ont entre 15 et 16 ans. Pour eux, cette nouvelle journée à bord du vaisseau-école Borda durera seize heures. Habituellement, dix environ sont consacrées aux cours ! Mais aujourd’hui, tous sont de bonne humeur, nous sommes jeudi, c’est le jour des exercices pratiques et surtout de la visite des parents. Celle-ci s’effectuera à terre car, depuis 1863, les visites à bord sont interdites.

Lire la suite

Les bâtiments de l’École navale au XIXe siècle

Au XIXe siècle, deux systèmes différents ont été pratiqués en France concernant la formation des futurs officiers de marine, celui de la séparation totale des études théoriques et des études pratiques, et celui au contraire de la fusion complète de ces études. Le premier fut symbolisé par le Collège de marine d’Angoulême, créé en 1816 sous la Restauration. Bien que le collège eut quelques partisans, il fut grandement et durablement critiqué, puis finalement supprimé en 1830, au début de la Monarchie de Juillet, au profit du second système, représenté par l’École navale installée à Brest sur le vaisseau l’Orion puis le Borda. L’École navale fut certainement inspirée des Écoles spéciales de marine créées par Napoléon en 1810.

Bien que l’École navale soit bien connue des personnes au courant des choses de la marine, l’histoire des navires qui ont accueilli cette institution est souvent occultée.

Lire la suite

Brève histoire de l’École navale (1er novembre 1830)

Nous sommes aujourd’hui le 1er novembre, et comme tous les 1er novembre depuis 183 ans, l’École navale, officiellement née en 1830 comme école flottante, célèbre son anniversaire. L’occasion de présenter une brève histoire de cette institution, chargée comme vous le savez probablement d’assurer la formation initiale des futurs officiers de la Marine nationale.

L’origine du vaisseau-école en France remonte en fait au décret du 27 septembre 1810, lorsque Napoléon, souhaitant réorganiser la formation des officiers de marine, avait créé deux Écoles spéciales de marine : l’une à Brest sur le Tourville, et l’autre à Toulon sur le Duquesne. Les deux navires avaient été disposés pour permettre des études suivies, avec des salles de cours dans la batterie haute et des bureaux et hamacs pour les élèves dans la batterie basse. Les écoles flottantes n’étant aucunement navigantes, plusieurs corvettes furent annexées aux deux vaisseau-écoles pour apprendre aux jeunes élèves l’art de l’appareillage et de la navigation.

Lire la suite

Les vaisseaux issus de la commission de Paris (1824)

Les plans Sané-Borda adoptés à la fin de l’Ancien Régime se limitaient à trois types de vaisseaux : le trois-ponts de 118 canons, et les deux-ponts de 80 et 74 canons. Sous l’Empire, deux vaisseaux à trois-ponts de 110 canons furent également lancés. On construisit en outre, durant cette période, quelques « petits 74 canons », aux dimensions sensiblement plus faibles que les 74 canons issus des plans de 1782.

Après la seconde abdication de Napoléon en 1815, la Marine française comptait donc 4 à 5 types de vaisseaux différents, pour la plupart adoptés il y a plus de 25 ans. Il semblait donc évident que cet ensemble devait être repensé. L’arrivée au ministère de la Marine du baron Portal en 1818 permit cette évolution. La priorité fut dans un premier temps donnée aux frégates avec, notamment, un concours en 1817 visant à donner les plans d’une frégate armée de canons de 24 destinée à remplacer les frégates de 18 construites sous le Premier Empire.

La nécessité de faire établir de nouveaux plans types amena le baron Portal à organiser en 1821 une commission dite de Paris, chargée de cet important travail. Les membres de cette commission présidée par Sané furent Rolland, Tupinier, Lamorinière et Lair, tous ingénieurs. Le baron Tupinier, à l’époque Directeur des Constructions navales, publia en 1822 un texte particulièrement important – texte dont j’ai déjà parlé il y a quelques jours – Observations sur les dimensions des Vaisseaux et Frégates de la Marine française. Concernant les vaisseaux de ligne, voici un bref résumé des propositions faites par Tupinier :

1/ Conserver pour vaisseau de premier rang le trois-ponts de 118 canons adopté en 1786, Tupinier écrit : « Je ne proposerai jamais de toucher au vaisseau de 118 canons de M. le baron Sané : de l’aveu de tous les marins, c’est le chef d’œuvre de l’architecture navale ».

2/ Adopter comme vaisseau de deuxième rang un bâtiment deux-ponts de 102 bouches à feu armé de 32 canons de 36 à la batterie basse, 34 canons de 30 à la batterie haute, et 36 caronades de 36.

3/ Et comme vaisseau de troisième rang un bâtiment, également de deux-ponts, de 96 bouches à feu : 30 canons de 36, 32 canons de 24, 34 caronades de 36.

Tupinier proposa donc de renoncer aux vaisseaux de 74 et de 80 canons. Pour autant il indiquait que « nos meilleurs vaisseaux à deux batteries, tant pour la marche que sous tout autre rapport, sont ceux de 80 canons, de M. le baron Sané. Ce qu’on peut faire de mieux est donc de s’écarter, le moins possible, de ce modèle, pour les vaisseaux à deux-ponts ».

Lire la suite