Marine royale contre Royal Navy

La bataille du cap Béveziers, le 10 juillet 1690, par Gustave Alaux. Collection du Musée national de la Marine

On ne devrait pas résumer l’histoire d’une marine aux seules batailles qu’elle a livrée. Je vais pourtant le faire ici afin de répondre à une question que l’on me pose souvent :

Est-il vrai que la marine française a presque toujours perdu contre la marine britannique ?

J’ai essayé de répondre à cette question en listant ci-dessous les batailles navales franco-britannique à l’époque de l’Ancien Régime (il est possible que je poursuive le même travail pour la période Révolution-Empire), de la guerre de la Ligue d’Ausbourg (1688-1697) jusqu’à celle de l’Indépendance américaine (1775-1783). Pour chacune de ces batailles, brièvement résumées, j’ai indiqué la marine qui en est sortie vainqueur.

J’ai rencontré au cours de ce travail deux difficultés :

1. Qu’est-ce qu’une bataille navale ?
2. Qu’est-ce qu’une victoire navale ?

Ces deux questions sont plus complexes qu’il n’y parait.

Lire la suite

14 février 1778 : la reconnaissance de la bannière étoilée par la Marine française

La Marine française saluant la bannière étoilée pour la première fois. Par Edward Moran (1829-1901), U.S. Naval Academy Museum

Événement symbolique : le 14 février 1778, en baie de Quiberon, le vaisseau français le Robuste, portant la marque du comte de La Motte Picquet, salue au canon la corvette américaine Ranger, commandée par le capitaine John Paul Jones. Le 74 canons français tire neuf coups de canon en retour des treize coups tirés par le navire américain.

Pour la première fois de l’Histoire, le pavillon américain « Stars and Stripes » est reconnu par une puissance étrangère, quelques jours après la signature du Traité d’alliance entre les la France et les États-Unis d’Amérique le 6 février 1778.

Lire la suite

Suffren : « Suffrène » ou « Suffrin » ?

La mise à l’eau très prochaine, durant l’été 2019, à Cherbourg, du premier sous-marin nucléaire d’attaque (SNA) de nouvelle génération issu du programme Barracuda, nommé le Suffren, est l’occasion de rappeler que le nom du fameux vice-amiral français, qui s’est notamment distingué dans l’océan Indien de 1781 à 1784, durant la guerre d’Indépendance américaine, se prononce « Suffrin » et non « Suffrène ».

Dans sa remarquable biographie du bailli de Suffren, l’amiral Rémi Monaque écrit ainsi :

« J’aimerais beaucoup que mes lecteurs adoptent la prononciation correcte du patronyme « Suffren ». Les Parisiens, notamment ceux des VIIe et XVe arrondissements, arpentent l’avenue de « Suffrène ». Dans la marine nationale, royale disent encore certains, forts de la tradition et de la continuité, on prononce et l’on a toujours prononcé « Suffrin ». Lorsque le jeune Pierre-André se présente à la compagnie des gardes de la marine de Brest, le secrétaire l’inscrit sur les listes en utilisant l’orthographe « Suffrin », fautive mais révélatrice de la prononciation correcte. Quant à l’intéressé lui-même, il ne fait aucun doute, qu’en bon provençal, il prononçait son nom « Suffreing » (approximation grossière que les gens du Midi traduiront par les sons exacts). Bien entendu, cette dernière prononciation est tout à fait licite pour ceux qui sont capables de la reproduire correctement, mais, de grâce, que tous les autres bannissent « Suffrène » au profit de « Suffrin ». »

La Bretagne : origine d’un nom prestigieux dans la Marine française

Mise à l’eau à Lorient en septembre 2016, la Bretagne, cinquième frégate multi-missions (FREMM) de la Marine nationale, a récemment été admise au service actif, en décembre 2018. L’occasion de rappeler que ce nom, la Bretagne, qui a été porté par de nombreux navires de la Marine française, souvent de première importance, tire son origine d’un vaisseau à trois-ponts construit sous l’Ancien Régime.

Vue de l’intérieur du Port de Brest (1795), par Jean-François Hue. On y distingue 3 vaisseaux trois-ponts de 110 canons : la Bretagne (à l’extrême gauche) et le Républicain, en armement, ainsi que l’Invincible, dans la forme de radoub, à à droite.

Lire la suite

Les Marines de la Guerre d’Indépendance américaine (1763-1783)

Je signale la parution en juin dernier, par Sorbonne Université Presses, du second volume de l’ouvrage collectif consacré aux Marines de la Guerre d’Indépendance américaine (1763-1783).

Le premier volume sur « L’instrument naval », paru en 2013, dressait un état des marines, au sens large, de chacun des principaux belligérants quinze ans seulement après l’importante guerre de Sept Ans, si désastreuse pour la France.

Ce second volume, suite logique du précédent, porte quant à lui sur « L’opérationnel naval » :

« C’est en 1776 que débute, entre Insurgents et Britanniques, la guerre d’Indépendance américaine, à laquelle prennent part la France (1778), puis l’Espagne (1779), en attendant qu’y soient impliquées les Provinces-Unies (1780). Toutes les grandes puissances maritimes et coloniales, hormis le Portugal, s’en sont mêlées. Si cette guerre n’est que marginalement européenne, les marines y jouent un rôle essentiel. C’est même le seul conflit important de l’histoire de France où les forces navales aient plus compté que les forces terrestres. Comment et où navigue-t-on avec un vaisseau ou une frégate ? Comment commande-t-on un bâtiment, une escadre ou une armée navale ? Que peut-on faire dans des conditions de mer données ? Quelles formes les opérations navales et les combats prennent-ils au temps de l’Hermione, du Victory et de la Santísima Trinidad ?

À l’initiative de la Société des Cincinnati de France et du Laboratoire d’histoire et d’archéologie maritimes (FED 4124) de Sorbonne Université, des historiens des États-Unis, de Grande-Bretagne, d’Espagne et de France examinent les types d’opérations et missions confiées aux marines, les conditions de navigation – notamment dans l’Atlantique –, le comportement au feu des navires, pris individuellement, comme des escadres auxquelles ils appartiennent, les modalités concrètes de l’exercice du commandement. C’est l’occasion de dresser un bilan des performances opérationnelles navales des trois grands belligérants sur mer, car l’histoire des opérations permet de sortir de la dualité quelque peu anachronique entre stratégie et tactique et pose une question décisive : que peut-on réellement faire avec une marine ? »

L’indépendance des États-Unis, le rôle de la Marine française

Je l’ai lu dernièrement. Le 25 septembre 2013, tandis que plusieurs personnalités franco-américaines étaient réunies au consulat de France, à New York, pour évoquer la possible traversée de l’Atlantique de la réplique de l’Hermione en 2015, Miles Young, président de l’association Friends of Hermione – Lafayette in America, regrettait que « les Américains ne reconnaissent pas forcément le rôle de la France dans la guerre d’Indépendance, encore moins de la marine française. »

Tel ne fut pas toujours le cas. Faisons un retour en arrière de plus d’un siècle… En 1881 fut célébré, en grande pompe, aux États-Unis, le centenaire de la victoire de Yorktown, qui eut pour conséquence la capitulation de l’armée anglaise commandée par le général Cornwallis et, de fait, l’indépendance de la nation américaine.

Robert Winthrop, président de la Société historique du Massachusetts, fit à cette occasion un discours dans lequel il évoqua longuement l’aide de la France : « de la France, autrefois une monarchie absolue, depuis un empire, puis une monarchie constitutionnelle, aujourd’hui une république, mais toujours la France […] Nous n’avons point oublié que c’est à la monarchie des Bourbons que nous avons dû cette aide. Nous n’avons point oublié que c’est dans les rangs les plus élevés de la société française qu’est né l’enthousiasme pour la cause de notre liberté, et que de son sein sont partis ces braves officiers qui sont venus à notre secours… »

Lire la suite

A propos de la prise de la Grenade (1779)

Bataille de la Grenade, par Jean-François Hue

La nouvelle de la prise de la Grenade par d’Estaing, au début du mois de juillet 1779, eut en France un énorme retentissement. Elle excita dans le pays un enthousiasme semblable à celui avec lequel on avait accueilli, sous le règne de Louis XV, les victoires de Fontenoy (1749) et, un peu plus tard, de Minorque (1756). Dans l’escadre même, où se trouvait des hommes comme de Grasse, Lamotte-Picquet, Suffren, etc., un bel élan animait les officiers dans le désir commun d’acquérir de la gloire, même si ceux-ci ne s’entendaient malheureusement pas toujours.

Pour illustrer cette idée, la revue Le Yatch, Journal de la Marine (n°2383, 24 novembre 1928) publia une lettre d’un jeune lieutenant de vaisseau à sa mère. Le signataire, Jacques Philippe Cuers de Cogolin, avait de qui tenir : d’une vieille famille de marins provençaux, entré comme ses frères et ses cousins dans une carrière où tous les siens s’étaient distingués, il était l’arrière petit-fils d’un chef d’escadre de la marine de Louis XIV. Le chevalier de Cogolin devait mourir une douzaine d’année plus tard, capitaine de vaisseau décoré de l’ordre de Cincinnatus et de la croix de Saint Louis, il fut guillotiné sous la Terreur en 1793, quelques mois avant d’Estaing.

Lire la suite

L’America, premier vaisseau de la marine américaine

En octobre 1775, six mois après le début de la Guerre d’Indépendance américaine, le Continental Congress réuni à Philadelphie, désireux de doter la jeune république américaine d’une marine de guerre, forme le Naval Commitee et le charge de créer et de développer la Continental Navy, ancêtre si l’on peut dire de la fameuse US Navy. Composé de trois puis de sept membres, ce comité devient en décembre de la même année le Marine Commitee, ses attributions étant étendues à l’ensemble des affaires maritimes.

La mission du Marine Commitee est loin d’être simple. Il peut toutefois s’appuyer sur l’expérience des chantiers de construction de la côte atlantique qui, depuis un siècle, construisent des navires pour la marine anglaise, notamment marchande, ainsi que sur les marins et officiers qui ont jusqu’alors servi dans la flotte de Sa Majesté. Parmi eux se trouve le jeune lieutenant de vaisseau John Paul Jones, qui sut résumer une évidence en une formule restée célèbre : « Without a respectable Navy, alas America ! »

Lire la suite