Marine royale contre Royal Navy

La bataille du cap Béveziers, le 10 juillet 1690, par Gustave Alaux. Collection du Musée national de la Marine

On ne devrait pas résumer l’histoire d’une marine aux seules batailles qu’elle a livrée. Je vais pourtant le faire ici afin de répondre à une question que l’on me pose souvent :

Est-il vrai que la marine française a presque toujours perdu contre la marine britannique ?

J’ai essayé de répondre à cette question en listant ci-dessous les batailles navales franco-britannique à l’époque de l’Ancien Régime (il est possible que je poursuive le même travail pour la période Révolution-Empire), de la guerre de la Ligue d’Ausbourg (1688-1697) jusqu’à celle de l’Indépendance américaine (1775-1783). Pour chacune de ces batailles, brièvement résumées, j’ai indiqué la marine qui en est sortie vainqueur.

J’ai rencontré au cours de ce travail deux difficultés :

1. Qu’est-ce qu’une bataille navale ?
2. Qu’est-ce qu’une victoire navale ?

Ces deux questions sont plus complexes qu’il n’y parait.

1. La bataille navale est ainsi définie par le Dictionnaire de Tévoux (1771) : « C’est le choc de deux flottes, de deux armées de mer rangées en diverses escadres. » Autrement dit, une bataille navale est un affrontement sur mer entre plusieurs escadres généralement composées de vaisseaux de ligne. On peut la distinguer du combat naval, duel entre plusieurs frégates ou navires de bas bord par exemple. Mais qu’en est-il du combat n’opposant pas plus de trois ou quatre vaisseaux ? Ou du combat opposant une escadre à part entière à quelques vaisseaux escortant un convoi attaqué ? Peut-on ici parler de bataille navale ? Plus largement, à partir de combien de vaisseaux impliqués peut-on parler de bataille navale ?

On ne peut répondre précisément à ces questions. En conséquence, la liste que je propose ci-dessous est subjective et non exhaustive (plusieurs affrontements limités et indécis n’ont pas été pris en compte, je pense par exemple à la bataille de Fort Royal du 30 avril 1781). Elle n’est toutefois guère différente de celles que l’on trouve dans les quelques ouvrages sur ce thème, français comme anglais. Citons le dictionnaire de Jean-Claude Castex notamment.

2. La question de la victoire – ou de la défaite navale – est encore plus difficile ! Quels sont les critères retenus pour désigner le vainqueur d’une bataille navale ? L’escadre qui fait le plus de dommages à l’autre ? Celle qui reste maitresse du « champs de bataille » ? Autant de questions que l’on retrouve pour les batailles terrestres et qui font que, parfois, les deux camps revendiquent la victoire, pour différentes raisons. Évidemment, il est important de toujours distinguer le résultat d’une bataille sur le plan tactique et sur le plan stratégique : une bataille peut être indécise sur le plan tactique – c’est souvent le cas au XVIIIe siècle – tout en étant un succès stratégique pour l’un ou pour l’autre camp.

Cette question est d’autant plus difficile que les Britanniques et les Français ont au XVIIIe siècle deux manières très différentes de penser les choses. Les Britanniques recherchent souvent la bataille décisive afin de détruire ou capturer les vaisseaux adverses, ce qui n’est pas systématiquement le cas des Français. Cette différence de mentalité est souvent mal comprise de nos jours, tant l’influence de Mahan et de l’idée de « bataille décisive » est grande.

Un officier français, Audibert de Ramatuelle (1759-1840), penseur naval de son temps, écrit ainsi au début du XIXe siècle :

« La marine française a toujours préféré la gloire d’assurer ou de conserver une conquête, à celle plus brillante peut être, mais certainement moins réelle, de capturer quelques navires ; et en cela, elle s’est rapprochée bien davantage du véritable but de la guerre. En fait, qu’importerait à l’Angleterre la perte de quelques vaisseaux ? Le point essentiel est de l’attaquer dans ses possessions, sources immédiate de sa richesse commerciale et de sa puissance maritime. La guerre de 1778 fournit des exemples du dévouement des amiraux français aux véritables intérêts de leur pays. La conservation de la Grenade, la prise de Yorktown, où une armée anglaise se rendit, la conquête de Saint-Christophe furent les résultats de grandes batailles dans lesquelles on laissa l’ennemi se retirer sans être inquiété plutôt que de risquer de lui donner une chance de secourir les points attaqués. »

Cela explique en partie pourquoi les Français ne remportèrent jamais de grande victoire de destruction telle que les Anglais aux Saintes (1782), à Aboukir (1798) ou bien sûr à Trafalgar (1805). Ils en auront à plusieurs reprises la possibilité, au Bévéziers (1690), à Minorque (1756), à Grenade (1779) ou même à Chesapeake (1781), sans suite du fait de cette manière de penser. Je vous invite à lire à ce sujet l’intéressant article d’Olivier Aranda, Les pratiques stratégiques de la marine française, de Louis XVI au début de la Révolution française, 1780-1794, dans la Revue de l’Histoire de Versailles et des Yvelines, tome 103, 2021.

C’est donc en me posant ces nombreuses questions que j’ai listé les différentes batailles ci-dessous, en essayant d’être le plus objectif possible quant à leur résultat.

J’ai compté 37 batailles navales opposant les flottes française et britannique entre 1688 et 1783 : 15 victoires françaises, 10 victoires anglaises, 12 batailles indécises.

Ces chiffres a priori surprenants sont à relativiser !

D’une part parce qu’il n’est tout simplement pas pertinent de comparer ainsi des batailles ayant des contextes et des conséquences très différentes. Pendant la guerre de Sept Ans par exemple, en 1759, la bataille de la baie de Porto Novo n’a évidemment pas eu la même importance que celle des Cardinaux.

D’autre part parce que l’on peut constater que les Britanniques ont perdus très peu de vaisseaux durant ces différents affrontements, beaucoup moins que les Français. Je ne donne volontairement pas de chiffres précis ici car ceux-ci sont incertains et différents selon les sources mais on peut estimer que les Français perdirent près d’une soixantaine de vaisseaux durant ces batailles contre moins d’une dizaine pour les Britanniques ! Cette grande différence s’explique en partie par ce qui est dit plus haut : les victoires françaises sont souvent des victoires stratégiques, tactiquement indécises et donc sans grande perte matérielle pour l’adversaire.

J’insiste donc sur ces deux points. L’objectif ici n’est pas de démontrer que la marine française a dominé sa rivale britannique au XVIIIe siècle. Si tel était le cas, le Canada et l’Inde ne feraient pas parties du Commonwealth… L’objectif est de mettre fin à une vieille légende – que l’on me rapporte souvent, notamment sur les réseaux sociaux – selon laquelle la marine française a presque toujours perdu contre la marine britannique. Notez que l’amiral Jurien de la Gravière avait en son temps déjà démenti ce mythe tenace, de manière un peu plus chauvine il est vrai.

Liste des batailles franco-britanniques au XVIIe-XVIIIe siècles :

Guerre de la Ligue d’Augsbourg (1688-1697)

Baie de Bantry – 11 mai 1689 – L’escadre française – 24 vaisseaux – commandée par le marquis de Châteaurenault rencontre au large des côtes irlandaises l’escadre anglaise – 22 vaisseaux – de l’amiral Herbet. Les deux flottes se combattent en traditionnelle ligne de file et aucune ne prend l’avantage sur l’autre. Aucun vaisseau n’est perdu mais les Français parviennent à remplir leur objectif : ravitailler l’armée de Jacques II d’Angleterre qui cherche à recouvrer son trône. Ce dernier objectif ne sera certes pas atteint. Victoire stratégique française

Cap Bevéziers – 10 juillet 1690 – Les escadres réunies de Brest, Rochefort et Toulon – 75 vaisseaux montés par 28000 hommes et pourvus de 4500 canons – commandées par le comte de Tourville affronte la flotte anglo-néerlandaise  – 56 vaisseaux, 19000 hommes et 4153 canons – commandée par l’amiral Arthur Herbert, 1er comte de Torrington. L’avant-garde de la flotte alliée, composée des vaisseaux néerlandais, peu soutenus par les Anglais, se fait encercler par l’avant-garde française et ne parvient à se retirer qu’au prix de nombreuses pertes. Les Alliés perdent 17 vaisseaux, les Français aucun. La marine française remporte ici l’une des plus belles victoires de son histoire, mais celle-ci n’a pas de conséquence : on reproche souvent à Tourville de ne pas avoir poussé son avantage. Victoire française

Barfleur – 29 mai 1692 – La flotte française – 44 vaisseaux – commandée par le comte de Tourville affronte la flotte anglo-néerlandaise – 88 vaisseaux – commandée par l’amiral Edward Russell. Les Français se battent toute une journée à un contre deux (3142 canons contre environ 7000). Ils ne perdent pas un seul navire et infligent de lourdes pertes aux Alliés ! On va peut-être m’accuser ici de chauvinisme en distinguant cette bataille de celle de La Hougue. Il n’empêche que deux siècles plus tard, l’amiral américain Alfred Mahan écrit : « Pas un bâtiment français n’avait amené ses couleurs, pas un n’avait été coulé. Ce résultat extraordinaire est bien la plus forte preuve d’esprit militaire et de valeur qui ait pu être donnée par une marine. » Victoire française

La Hougue – 1er juin 1692 – La flotte française endommagée et avariée à Barfleur plusieurs jours auparavant tente de regagner Brest ou Saint-Malo, poursuivie par la flotte anglo-néerlandaise deux fois plus nombreuse. Une majeure partie y arrive mais 15 vaisseaux, gênés par les courants, sont rattrapés par les Alliés et incendiés, dont le Soleil Royal, navire-amiral de Tourville. Les pertes en hommes sont minimes car les vaisseaux ont été abandonnés. Les conséquences de la bataille, souvent qualifiées de désastreuses, ont tendance à être surestimées par l’historiographie (notamment britannique), qui a l’habitude trompeuse (à mon sens) de réunir les combats de Barfleur, de Cherbourg et de Saint-Vaast-la-Hougue afin d’en faire une même et grande bataille connue sous le nom de La Hougue. La victoire anglo-néerlandaise n’en reste pas moins importante.

Lagos – 28 juin 1693 – La flotte française – 71 vaisseaux – commandée par le comte de Tourville attaque au sud des côtes portugaises le convoi de Smyrne, composé de plusieurs centaines de voiles, vital pour le commerce de l’Angleterre et des Provinces-Unies. Ce convoi est escorté par 23 vaisseaux anglais et néerlandais commandés par l’amiral Rooke. 2 vaisseaux néerlandais et entre 70 et 100 navires marchands richement chargés sont capturés ou incendiés. Victoire française

La bataille de Lagos, le 28 juin 1693, par Théodore Gudin. Collections du château de Versailles

Guerre de Succession d’Espagne (1701-1714)

Santa Martha – 29 août au 4 septembre 1702 – Une escadre française de 4 vaisseaux commandés par Jean-Baptiste du Casse rencontre au large des côtes colombiennes l’escadre du vice-amiral anglais John Benbow, qui compte 7 vaisseaux. L’amiral anglais n’est pas écouté par ses capitaines et les Français parviennent à s’échapper sans perte malgré leur grande infériorité numérique. Aucun vaisseau n’est perdu de part et d’autre. Bataille indécise

Vigo – 23 octobre 1702 – Une importante escadre anglo-néerlandaise commandée par l’amiral George Rooke attaque avec succès le port de Vigo, où se trouve 20 galions espagnols chargés d’or ramenés des colonies d’Amérique, escortés par une quinzaine de vaisseaux français aux ordres du marquis de Châteaurenault. La plupart des galions espagnols et vaisseaux français sont incendiés ou capturés, mais une grande partie des riches cargaisons a été mise en sureté avant la bataille. Victoire anglaise

Velez-Malaga – 24 août 1704 – Il s’agit de la plus importante bataille du XVIIIe siècle (en forces en présence) ! La flotte française  – 50 vaisseaux – commandée par le comte de Toulouse, amiral de France, affronte la flotte anglo-néerlandaise de l’amiral Rooke qui dispose d’une force sensiblement équivalente. Les Français dominent tactiquement le combat mais ne saisissent pas l’occasion de remporter une importante victoire en laissant les Anglo-Néerlandais se retirer sans combat le lendemain de la bataille. Bien que les pertes alliées soient importantes (3000 morts et blessés contre 1500 coté Français), on peut considérer qu’il s’agit d’un succès stratégique pour les Anglais, qui conservent Gibraltar, pris au Espagnols quelques jours auparavant. En outre, aucun vaisseau n’est perdu de part et d’autre. Victoire stratégique anglaise

Marbella – 19 mars 1705 – Une escadre française – 13 vaisseaux – commandée par le baron de Pointis est envoyée assurer le blocus de Gribraltar, pris par les Anglais l’année précédente et assiégé par les troupes franco-espagnoles commandées par le maréchal de Tessé. Cette escadre est dispersée lors d’une tempête au début du mois de mars 1705 et 8 vaisseaux prennent le large. Les 5 vaisseaux restant sont attaqués par une escadre britannique de 35 navires anglo-néerlandais commandée par l’amiral Leake. 3 vaisseaux français sont capturés, les 2 autres se jettent à la côte et sont incendiés par leur équipage. Le siège de Gibraltar est levé. Victoire anglaise

Cap Béveziers (2) – 2 mai 1707 – Un grand convoi anglais d’environ 50 marchands escortés par 3 vaisseaux est attaqué avec succès au large du cap Béveziers par une escadre française de 7 vaisseaux de ligne commandés par le chevalier Forbin, accompagnés de six petits navires corsaires venus de Dunkerque. 2 vaisseaux anglais de 70 canons et 27 navires de commerce sont capturés par les Français. Victoire française

Cap Lizard – 21 octobre 1707 – Une flotte française – 12 vaisseaux – commandés par Forbin tombe sur un important convoi anglais emmenant des renforts à destination de Lisbonne et le capture presque entièrement. L’escorte du convoi, composée de 5 vaisseaux, se sacrifient vainement : l’un d’eux explose pendant le combat et 3 autres sont capturés. René Duguay-Trouin, alors capitaine de vaisseau, se distingue durant le combat. Victoire française

La bataille de Vélez-Málaga, le 24 août 1704. Par Isaac Sailmaker, National Maritime Museum

Guerre de Succession d’Autriche (1740-1748)

Cap Sicié – 22 février 1744 – Une escadre franco-espagnole de 27 vaisseaux (15 français et 12 espagnols) commandés par les amiraux Court de La Bruyère et Juan José Navarro force le blocus de la rade de Toulon assuré par une escadre anglaise de 29 vaisseaux aux ordres de l’amiral Thomas Mathews. Le combat est confus et les ordres mal exécutés. Les Alliés finissent toutefois par l’emporter malgré leur infériorité numérique. Le rôle exact des Français dans cette action reste assez obscure car la France n’est alors pas encore officiellement en guerre contre la Grande-Bretagne. Les Espagnols assurent qu’ils sont restés en retrait. Les Anglais, qui ont perdu un vaisseau, lève le blocus de Toulon et gagnent Minorque. Victoire alliée que l’on ne saurait compter comme une victoire française

Négapatam – 6 juillet 1746 – Une escadre de 9 navires français commandés par le comte de La Bourdonnais se heurte à une division de 5 bâtiments anglais dans un combat indécis où aucun navire n’est perdu. Les Anglais sont toutefois obligé d’abandonner Madras, qui capitule. Victoire française

Cap Ortegal – 14 mai 1747 – Une escadre britannique – 14 vaisseaux – commandés par l’amiral George Anson attaque un convoi français de 40 voiles se dirigeant vers l’Amérique. L’escorte du convoi, composée de seulement 6 vaisseaux aux ordres du marquis de la Jonquière, se sacrifie (tous les six sont capturés) afin de permettre à la majorité des navires du convoi d’arriver en Amérique sans dommage. Victoire anglaise

Cap Finisterre – 25 octobre 1747Au large de l’Espagne, un convoi français de plus de 200 voiles marchandes est attaqué par 14 vaisseaux anglais commandés par l’amiral Edward Hawke. 6 des 8 vaisseaux de l’escorte commandée par le marquis de l’Estenduère se sacrifient mais le convoi aurait été en grande partie sauvé. Notez que j’utilise ici le conditionnel car le sort du convoi français prête encore aujourd’hui à débat entre les historiens, certains affirmant qu’il a été presque entièrement capturé, d’autres au contraire qu’il a pu s’échapper sans trop de pertes. Victoire anglaise

La bataille du cap Ortégal, ou première bataille du cap Finistère, le 14 mai 1747. Par Samuel Scott

Guerre de Sept Ans (1756-1763)

Minorque – 20 mai 1756 – Au début du conflit, la France décide d’attaquer et de prendre en Méditerranée l’île de Minorque, sous contrôle britannique depuis 1708. Une escadre anglaise – 13 vaisseaux – commandée par l’amiral Byng est envoyée afin de sauver l’île. Elle se heurte toutefois aux 12 vaisseaux français du comte de La Galissonière, chargés de protéger le corps expéditionnaire qui a débarqué en avril. Les deux amiraux sont très prudents, le combat est indécis bien qu’à l’avantage des Français, qui manquent probablement l’occasion de capturer quelques vaisseaux ennemis. La Galissonière fait toutefois le choix de respecter à la lettre ses ordres et ne prend aucun risque. Il se contente d’empêcher les Anglais de passer. Ces derniers ne passent pas et décident de se replier sur Gibraltar. Aucun vaisseau n’est perdu de part et d’autre. Pour son soit disant manque de combativité, l’amiral Byng sera condamné à mort. Victoire stratégique française

Gondelour – 29 avril 1758 – Une escadre française – 9 vaisseaux, essentiellement de la compagnie des Indes – commandée par le comte d’Aché malmène les 7 vaisseaux du vice-amiral anglais George Pocock, qui décrochent. Ce succès entraîne la prise de Gondelour par les Français commandés par Lally-Tollendal. Victoire stratégique française

Karikal – 3 août 1758 – L’escadre française – 9 vaisseaux – commandée par le comte d’Aché affronte pour la deuxième fois les 7 vaisseaux de l’amiral anglais Pocock au sud de l’Inde. Le combat est violent et les pertes importantes des deux côtés. Les deux flottes se séparent sans avoir perdu de navire. Bataille indécise

Porto Novo – 10 septembre 1759L’escadre française commandée par le comte d’Aché rencontre une nouvelle fois l’escadre anglaise de l’amiral Pocock au sud de Pondichéry, Inde. Les deux flottes s’affrontent en ligne de file, le combat est ici encore indécis mais d’Aché parvient à passer et à remplir son objectif : ravitailler Pondichéry. Aucun vaisseau n’est perdu de part et d’autre. Victoire stratégique française

Lagos – 18-19 août 1759 – Une escadre française – 7 vaisseaux – commandée par le comte de La Clue affronte au large de Lagos, Portugal, une escadre anglaise – 15 vaisseaux – commandée par l’amiral Boscawen. 5 vaisseaux français sont perdus, incendiés ou capturés. Victoire anglaise

Les Cardinaux – 20 novembre 1759 – Une importante escadre française – 21 vaisseaux – commandée par le maréchal de Conflans rencontre au large de Quiberon l’escadre anglaise – 23 vaisseaux – de l’amiral Hawke. Le combat livré en pleine tempête est un désastre pour les Français, qui perdent 6 vaisseaux, dont le navire amiral, le Soleil Royal, de 80 canons. Plusieurs vaisseaux ayant trouvé refuge dans l’estuaire de la Vilaine furent en outre bloqués par le blocus anglais le restant du conflit. Les Anglais perdent deux vaisseaux, échoués. Victoire anglaise

La bataille de la baie de Quiberon, ou bataille des Cardinaux, par Nicholas Pocock, 1812. National Maritime Museum

Guerre d’Indépendance américaine (1775-1783)

Ouessant – 27 juillet 1778 – L’escadre française – 32 vaisseaux – commandée par le comte d’Orvilliers engage au large de l’île d’Ouessant en Bretagne l’escadre britannique – 30 vaisseaux – de l’amiral Keppel. Le combat est indécis, les deux flottes ne perdent aucun vaisseau mais les Britanniques comptent quatre fois plus de pertes en hommes que les Français. De ce fait, et parce que la flotte française obtient la maitrise de la Manche (sans suite), la bataille est habituellement considérée comme une victoire française. J’aurais personnellement tendance à considérer qu’il s’agit d’une Bataille indécise

Grenade – 6 juillet 1779 Le comte d’Estaing, à la tête d’une escadre de 25 vaisseaux (1468 canons), s’emploie à prendre l’île de Grenade, sous contrôle britannique, tandis qu’une escadre anglaise – 21 vaisseaux (1516 canons) – commandée par l’amiral John Byron se présente. Les deux flottes s’affrontent violemment. Les Français prennent un net avantage, les Anglais subissent de lourdes pertes et plusieurs de leurs vaisseaux sont fortement endommagés, ils n’ont d’autres choix que de se replier. A la stupéfaction de Suffren, commandant du 64 canons le Fantasque durant cette bataille, d’Estaing ne poursuit pas l’ennemi et préfère assurer la conquête de Grenade. La poursuite de l’escadre anglaise aurait pourtant permis une victoire totale et la capture de plusieurs de leurs vaisseaux. Victoire française

Martinique – 18 décembre 1779 – 3 vaisseaux français habilement manœuvrés par La Motte-Picquet sauvent à l’entrée du port de Fort Royal de la Martinique un important convoi attaqué par une escadre anglaise de 13 vaisseaux commandés par l’amiral Hyde Parker. Victoire française

La Dominique – 1780 – Les escadres du comte de Guichen et de l’amiral Rodney comptant une vingtaine de vaisseaux chacune s’affrontent à trois reprises entre mars et mai 1780. Ces combats menés prudemment et classiquement en ligne de file sont tous les trois indécis sur le plan tactique. Batailles indécises

La Praya – 16 avril 1781Arrivée aux îles du Cap-Vert pour y faire de l’eau, l’escadre de Suffren surprend l’escadre anglaise de l’amiral George Johnstone qui se prépare à attaquer la place hollandaise du Cap. Le combat oppose 5 vaisseaux français à 5 vaisseaux anglais, et finit par un match nul tactique. Il est toutefois fameux pour l’intrépidité avec laquelle il fut mené par Suffren, qui ne fut pas vraiment suivi par ses capitaines. La bataille sauve toutefois la colonie hollandaise du Cap, d’une grande importance stratégique. En ce cela, elle est considérée comme un succès stratégique français. Victoire stratégique française

Baie de Chesapeake – 5 septembre 1781L’escadre française commandée par le comte de Grasse repousse l’escadre anglaise de l’amiral Graves venue secourir l’armée du général Cornwallis enfermée à Yorktown. Bien que le combat n’ait pas été mené avec une grande vigueur – les Anglais ne perdent qu’un vaisseau, cinq autres sont gravement touchés – les conséquences stratégiques de la victoire française sont importantes. Elle provoque la chute de Yorktown et la capitulation de l’armée Cornwallis, décisive pour l’indépendance américaine. Victoire française

Ouessant (2) – 12 décembre 1781 – Une escadre britannique – 12 vaisseaux – commandée par l’amiral Richard Kempenfelt (sur le célèbre HMS Victory) attaque un convoi français parti de Brest pour les Indes. L’escorte du convoi – 19 vaisseaux de ligne – commandée par le comte de Guichen, très supérieure en nombre, est surprise et ne peut remplir sa mission de protection à cause du mauvais temps. Une vingtaine de navires de commerce sont capturés par les Britanniques. Victoire anglaise

Saint-Christophe – 25 janvier 1782 – Les Français parviennent à prendre aux Britanniques l’île de Saint-Christophe, dans les Antilles. Le comte de Grasse perd toutefois l’occasion de vaincre l’escadre de l’amiral anglais Hood, qui manœuvre très habilement, avant sa jonction avec celle de Rodney. Il le paiera très cher lors de la bataille des Saintes en avril 1782. Bataille indécise

Sadras – 17 février 1782 – L’escadre de Suffren – 11 vaisseaux – affrontent l’escadre de l’amiral anglais Hughes – 9 vaisseaux – dans l’océan Indien. Le Français tente une manœuvre audacieuse mais est mal compris par ses capitaines. Aucun vaisseau n’est perdu. Bataille indécise

Les Saintes – 12 avril 1782L’escadre française du comte de Grasse – 33 vaisseaux – est sévèrement battue par l’escadre anglaise – 36 vaisseaux – de l’amiral Rodney. Les Français perdent 5 vaisseaux et 2 autres encore dans un nouvel engagement le 25 avril. Le navire amiral français, la Ville de Paris, est capturé par les Anglais, il coulera en septembre lors d’une tempête. Le projet d’attaque de la Jamaïque est abandonné. Victoire anglaise

Provédien – 12 avril 1782 – Suffren affronte pour la deuxième fois l’amiral anglais Hughes dans le golfe du Bengale. Une nouvelle fois, le combat est indécis et aucune des deux flottes ne perd de vaisseau. Bataille indécise

Negapatam – 6 juillet 1782 – Suffren rencontre pour la troisième fois l’amiral anglais Hughes dans le sud de l’Inde. Une nouvelle fois, le combat est indécis. Aucun vaisseau n’est perdu. Bataille indécise

Trinquemalay – 3 septembre 1782 – L’escadre de Suffren – 14 vaisseaux – rencontre une nouvelle fois celle de l’amiral Hugues – 12 vaisseaux – pour le contrôle de Trinquemalay, port situé sur la cote orientale de l’île de Ceylan. Aucun vaisseau n’est perdu. Bataille indécise

Gondelour – 20 juin 1783 – En Inde, l’escadre de Suffren – 15 vaisseaux – repousse l’escadre de l’amiral anglais Hugues – 18 vaisseaux – venue soutenir l’armée britannique qui assiège les Français à Gondelour. Aucun vaisseau n’est perdu de part et d’autre mais ce succès français permet de sauver la ville. Victoire stratégique française

La bataille de Gondelour (1783). Peinture d’Auguste Jugelet, 1836.

4 réflexions sur “Marine royale contre Royal Navy

  1. Bravo pour votre grand retour !
    Votre article est excellent, et il remet pas mal de pendules à l’heure. Votre distinction entre les batailles de Barfleur et de La Hougue me parait tout à fait justifiée. On pourrait faire de même entre les deux phases de la bataille de Lagos: la journée du 17 août 1759 est un succès remarquable (7 vaisseaux français tenant tête à 14 ou 15 vaisseaux anglais…). Je suis d’accord sur vos conclusions sur toutes les batailles que j’ai étudiées (notamment Velez Malaga, trop souvent présenté comme une victoire).
    Je vous félicite pour la maturité de vos réflexions. Un auteur anglais, dont je ne me souviens plus du nom, écrivait que la faiblesse de la marine française tenait au fait qu’elle avait le plus souvent une mission à accomplir au service de l’armée (préparer une opération combinée, soutenir un corps expéditionnaire..), ce qui lui faisait souvent éviter de combattre à la mer. On peut constater qu’en France, on a rarement été convaincu qu’une guerre pouvait être gagnée sur mer: on y a plus célébré la victoire de Yorktown que la bataille du Chesapeake, ou bien la prise du fort Saint Philippe et de Port Mahon, que la bataille de Minorque… et pourtant, ce sont bien ces deux batailles navales qui ont été décisives.

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