« Noms de bateaux »

Onomastique navaleExtrait du journal L’Echo d’Alger, 23 avril 1928, un article écrit par Edmond Delage (1886-1968), qui fut notamment professeur à l’École navale, rédacteur en chef de la revue « Défense nationale » et Président de l’Académie de Marine (1956). (Source DataBNF)

« M. Georges Leygues vient de baptiser lui-même une vingtaine de nouveaux bâtiments de guerre. Tenue, casquette, casque – car les marins, ne l’ignorons pas, sont outre-mer, casqués, et fort bien depuis l’adoption du nouveau modèle, semblable à celui des administrateurs coloniaux, – noms de bâtiments, tout cela n’a pas, dans une marine en belle santé, la simple importance d’accessoires. Ces noms que nos matelots portent sur leur bonnet en lettres d’or, jusqu’au bout du monde, sont un peu comme ceux qu’on voit brodés sur la soie des drapeaux de régiment. Ils n’ont pas le droit d’être laids, ni indifférents. S’ils joignent à l’élégance un peu de gloire française, s’ils sont commodes, pittoresques, s’ils disent quelque chose à l’œil ou au cœur d’un équipage – et du public – ce sont de bons noms : il faut les donner, ou les maintenir…

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Essais d’un navire sous-marin sous le Premier Empire

Extrait du Moniteur universel, numéro du lundi 29 avril 1811, citant un rapport écrit par Lazare Carnot à l’Académie des sciences le 1er avril de la même année :

« Rapport sur le Nautile-marin de MM. Coëssin frères.

Le désir de séjourner à volonté sous les eaux n’est pas une chose plus nouvelle que celui de planer dans les airs. Les efforts qu’on a faits pour y parvenir sont de tous les temps ; mais ce n’est que de nos jours qu’on a obtenu enfin quelque succès dans l’une et l’autre de ces deux espèces de navigations. Quoique le problème de la navigation sous-marine paraisse présenter moins de difficultés que celui de la navigation aérienne, c’est cependant celui-ci qui a été résolu le premier ; car il y a déjà vingt-huit ans que feu notre confrère M. Montgolfier conçut, et que s’exécuta au grand étonnement de l’Europe le hardi projet de s’élever au-dessus des nuages ; mais si les anciens sont parvenus à quelques résultats intéressants dans l’art de naviguer sous les eaux, il ne paraît pas qu’on leur ait donné aucune suite, et l’on peut regarder cette découverte comme très récente.

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« Ce n’est pas moi qu’il faut imiter »

Un extrait de La Bataille du rire par Jean-Charles (p. 32-33), à propos d’une histoire drôle que se racontaient les Hollandais pendant la Seconde Guerre mondiale. A l’image de la France, les Pays-Bas étaient alors occupés et les Allemands projetaient d’envahir la Grande-Bretagne, en vain.

« Un officier de la Kriegsmarine, en visite à Flessingue, Pays-Bas, regarde la statue de Michiel de Ruyter qui, comme chacun sait (ou ne sait pas), remonta la Tamise en 1667, brûla des navires devant Chatham et menaça Londres.
– Qui est-ce ? demande l’officier à un petit Hollandais.
L’enfant est bègue.
– C’est… c’est, dit-il, un ma… ma… marin.
– Et co… co… comment s’a… s’a… s’appelle-t-il ? interroge l’Allemand en imitant le bégaiement du gosse.
– Ce… Ce n’est pas… pas moi qu’il faut… faut… faut imiter, c’est… c’est lui !
Raconter ce genre d’histoires n’était sans doute que de la mini-résistance. Mais, en ces jours sombres, rire faisait du bien […] »

Le lancement du Valmy vu par la presse (1847)

« Mise à l’eau du vaisseau à trois ponts le Valmy, construit dans le port de Brest sur les plans de M. Leroux. D’après un croquis de M. Copillet. » Extrait de L’Illustration, Journal Universel, N° 240, 2 octobre 1847

Le 9 février 1847, le journal Le Constitutionnel annonce la mise à l’eau prochaine d’un vaisseau de 120 canons à Brest :

« Cinq navires doivent être lancés en 1847, au port de Brest, savoir : le vaisseau de 100 canons le Tage, les frégates la Persévérante, de 60 canons, la Némésis, de 50 canons, le brick de premier rang le Faune, la frégate-aviso à vapeur le Caffarelli. […] En tête de cette liste devrait être le vaisseau de 120 canons le Valmy, le seul vaisseau de ce rang construit sur des plans qui ne datent pas du dernier siècle, le seul par conséquent où tout ait été calculé d’après les nécessités de l’armement actuel de nos navires, qui est bien différent de l’armement des vaisseaux en 1790 […] »

Fait étonnant souligné par le journaliste : au milieu du XIXe siècle, tous les vaisseaux de premier rang français construits depuis la fin de l’Ancien Régime sont issus du plan-type du 118 canons réalisé par les ingénieurs Sané et Borda à la veille de la Révolution française de 1789, si l’on excepte le cas particulier des deux vaisseaux de 110 canons construits sous l’Empire. Le lancement du Valmy attire donc la curiosité des contemporains, d’autant qu’il s’agit alors du plus grand vaisseau jamais construit par la France.

Cet important événement, qui eut lieu le 25 septembre 1847, fut rapporté par le journal les deux derniers jours du même mois…

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L’indépendance des États-Unis, le rôle de la Marine française

Je l’ai lu dernièrement. Le 25 septembre 2013, tandis que plusieurs personnalités franco-américaines étaient réunies au consulat de France, à New York, pour évoquer la possible traversée de l’Atlantique de la réplique de l’Hermione en 2015, Miles Young, président de l’association Friends of Hermione – Lafayette in America, regrettait que « les Américains ne reconnaissent pas forcément le rôle de la France dans la guerre d’Indépendance, encore moins de la marine française. »

Tel ne fut pas toujours le cas. Faisons un retour en arrière de plus d’un siècle… En 1881 fut célébré, en grande pompe, aux États-Unis, le centenaire de la victoire de Yorktown, qui eut pour conséquence la capitulation de l’armée anglaise commandée par le général Cornwallis et, de fait, l’indépendance de la nation américaine.

Robert Winthrop, président de la Société historique du Massachusetts, fit à cette occasion un discours dans lequel il évoqua longuement l’aide de la France : « de la France, autrefois une monarchie absolue, depuis un empire, puis une monarchie constitutionnelle, aujourd’hui une république, mais toujours la France […] Nous n’avons point oublié que c’est à la monarchie des Bourbons que nous avons dû cette aide. Nous n’avons point oublié que c’est dans les rangs les plus élevés de la société française qu’est né l’enthousiasme pour la cause de notre liberté, et que de son sein sont partis ces braves officiers qui sont venus à notre secours… »

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Brève histoire de la marine russe (1898)

Cette magnifique peinture d’Ivan Aïvazovski (1886) représente la parade navale de la flotte russe de la mer Noire en 1849, sous les yeux de Nicolas Ier. Le tsar est accompagné de son fils ainé, le tsarévitch Alexandre, de l’amiral Lazarev et des vice-amiraux Kornilov et Nakhimov. Le navire de tête, le trois-ponts Dvenadtsat’ Apostolov (Двенадцать Апостолов, Douze Apôtres), est suivi, dans l’ordre, des 84 canons Rostyslav (Ростислав, Rostislav, du nom d’un Grand-prince du XIIe siècle), Svyatoslav (Святослав, Sviatoslav, du nom d’un Grand-duc russe du Xe siècle), Yagudiil (Ягудиил), du 120 canons Tri Svyatitelya (Три Святителя, Trois Hiérarques parfois nommé Trois Saints dans les sources française), des 84 canons Gavriil (Гавриил, l’archange Gabriel), Selafail (Селафаил) et Uriil (Уриил, l’archange Uriel).

Il est souvent intéressant de lire la presse ancienne. Des sites internet tels que gallica.bnf.fr permettent un accès facile et instantané à de nombreux journaux du 19e siècle, de quoi fréquemment tomber sur des articles à propos du sujet qui nous passionne tant.

Ici un extrait du Journal des débats du mardi 27 septembre 1898, à propos de l’ouvrage Russia’s Sea-power, Past and Present Or The Rise of the Russian Navy, par George Sydenham Clarke, paru en 1898.

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Trafalgar 2005 : la participation française

Souvenez-vous, c’était il y a quelques années, le Royaume-Uni célébrait en grande pompe la bataille de Trafalgar (21 octobre 1805). Le 28 juin 2005, 167 navires venus d’une trentaine de nations différentes étaient à Portsmouth afin de participer à la plus importante revue navale organisée depuis la fin de la guerre froide. Parmi eux, cinq unités françaises, dont le porte-avions Charles de Gaulle, la frégate Jean Bart et le sous-marin nucléaire d’attaque Perle. L’envoi du fleuron de la Marine nationale étonna beaucoup de Français, qui virent là une décision honteuse et regrettable.

Dans son remarquable ouvrage Le meilleur des ambassadeurs – Théorie et pratique de la diplomatie navale, le regretté Hervé Coutau-Bégarie a toutefois un autre avis.

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Veut-on détruire l’institution pour épargner la dépense ?

« M. le ministre actuel de la marine a posé nettement la question politique : Veut-on détruire l’institution pour épargner la dépense ? Veut-on faire la dépense pour conserver l’institution ? Le choix ne pouvait pas être douteux ; le roi et les chambres ont dit : Nous ferons la dépense, et nous maintiendrons l’institution. Le roi et les chambres veulent que la France ait une marine. »

Extrait d’un discours du général Maximilien Sébastien Foy (à gauche), député du département de l’Aisne, devant la Chambre des députés, le 26 juin 1821.

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Au commencement de la Restauration, le budget alloué à la Marine est au plus bas. Nombreux sont ceux en France qui, jugeant le déséquilibre naval définitivement rompu au profit de l’hégémonie de la Grande-Bretagne, ne croient plus en la Marine française, surclassée qualitativement et quantitativement, et envisagent sa disparition pure et simple. Face au déclin, le premier réflexe de Louis XVIII et de son ministre Du Bouchage est de détruire tout ce que l’Empire a fait (préfectures maritimes, équipages de haut bord, écoles flottantes), ce qui a pour effet immédiat d’accélérer un peu plus la dégradation de l’instrument naval français. Heureusement, le pessimisme ambiant sur le devenir de la Marine ne tarde pas à s’émousser quelque peu. Décidé à ce que la France recouvre son rôle de grande puissance, Louis XVIII se rend vite compte qu’il ne peut pas faire l’économie d’une marine de guerre. Pour restaurer cette dernière, il fait appel à un ancien armateur bordelais, le baron Portal, qu’il nomme ministre de la Marine le 29 décembre 1818.

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