Souvenez-vous, c’était il y a quelques années, le Royaume-Uni célébrait en grande pompe la bataille de Trafalgar (21 octobre 1805). Le 28 juin 2005, 167 navires venus d’une trentaine de nations différentes étaient à Portsmouth afin de participer à la plus importante revue navale organisée depuis la fin de la guerre froide. Parmi eux, cinq unités françaises, dont le porte-avions Charles de Gaulle, la frégate Jean Bart et le sous-marin nucléaire d’attaque Perle. L’envoi du fleuron de la Marine nationale étonna beaucoup de Français, qui virent là une décision honteuse et regrettable.
Dans son remarquable ouvrage Le meilleur des ambassadeurs – Théorie et pratique de la diplomatie navale, le regretté Hervé Coutau-Bégarie a toutefois un autre avis.
Il écrit :
« Certaines visites peuvent coïncider avec des éventements historiques (le Charles de Gaulle envoyé à la revue navale organisée par les Britanniques pour le bicentenaire de Trafalgar ; la frégate La Fayette envoyée aux États-Unis en juin 2007 pour le 250e anniversaire de la naissance du marquis) […] L’impact médiatique et politique se trouve alors démultiplié, il acquiert alors une portée nationale, alors qu’une visite « ordinaire » ne suscite généralement qu’un écho local. La commémoration de Trafalgar en 2005 en est un exemple significatif. La participation française à cet événement n’allait pas de soi, d’autant que les autorités françaises avaient stupidement décidé de faire l’impasse sur le bicentenaire d’Austerlitz. La marine avait donc un argument tout trouvé pour ne pas participer à une commémoration du même genre, au surplus à son détriment. Mais les Britanniques tenaient essentiellement à la présence des Français, allant, pour l’obtenir, jusqu’à effacer du programme officiel la référence explicite à Trafalgar. L’état-major de la marine a réagi avec finesse, en acceptant le principe de la participation et en plaçant celle-ci au niveau le plus élevé. La France a ainsi été représentée à la revue navale par le porte-avions Charles de Gaulle et un sous-marin nucléaire d’attaque. Il s’est trouvé que le porte-avions américain initialement annoncé s’est finalement désisté, l’US Navy estimant que sa sécurité ne pouvait être convenablement assurée. De sorte que c’est la France qui a eu le représentation la plus spectaculaire. Certains organes de presse britannique n’ont pas manqué de le faire remarquer, tout comme ils se sont agacés de la disparition de la référence officielle à Trafalgar. La France a ainsi fait coup double à peu de frais. »
Ainsi le quotidien britannique The Independent, par exemple, signalait à l’époque que la France avait bien montré qu’elle « possédait un navire plus gros que tout ce que la Royal Navy pouvait aligner. » De quoi relativiser coté français…