
Illustration extraite de l’ouvrage de Flavien Pech de Cadel, Histoire de l’École navale et des institutions qui l’ont précédée.
Il est 5h du matin, c’est le branle-bas, les quelques 120 élèves de l’École navale doivent se lever en dix minutes et faire leur hamac. La plupart ont entre 15 et 16 ans. Pour eux, cette nouvelle journée à bord du vaisseau-école Borda durera seize heures. Habituellement, dix environ sont consacrées aux cours ! Mais aujourd’hui, tous sont de bonne humeur, nous sommes jeudi, c’est le jour des exercices pratiques et surtout de la visite des parents. Celle-ci s’effectuera à terre car, depuis 1863, les visites à bord sont interdites.
Après la prière journalière du matin, les jeunes élèves font un peu d’exercice, généralement de la gymnastique ou de l’escrime, puis leur toilette. Depuis l’installation sur l’immense Valmy, l’hygiène est devenue une priorité, ce n’était pas vraiment le cas sur l’Orion et le Commerce de Paris. Les élèves sont tenus d’avoir les cheveux courts, de prendre un bain par mois et un bain de pieds par semaine !
Le premier cours commence à 5h45. Il s’agit des calculs nautiques – l’École navale a toujours privilégié les matières scientifiques – la matière est surnommée prolongation de la nuit par les élèves, car elle est toujours enseignée de très bonne heure. Dans l’amphithéâtre, un boulet reçu par le Valmy devant Sébastopol en 1854 est encore présent, les élèves s’en amusent et rêvent déjà de combat.
Une heure plus tard, à 7h environ, nos bordaches peuvent enfin aller déjeuner. Ce premier repas de la journée (il y en aura quatre, à 7h, 12h, 16h et 20h) comprend une boisson chaude, café ou chocolat au laid, ainsi que du beurre ou du fromage.
A 8h, le capitaine de vaisseau commandant le Borda, familièrement surnommé le pape par les élèves, ou plus souvent le chef d’escouade, fait l’inspection. Le reste de la matinée est consacré à l’exercice d’infanterie à terre, au milieu duquel a lieu la visite des parents ou proches, pendant une courte pause.
A midi, les élèves mangent une soupe grasse, un plat de viande (sauf le vendredi, jour du poisson), le plus souvent accompagné de légumes ou de pâtes, puis un dessert. La ration de vin est fixée à 23 centilitres par élève !
Le jeudi après-midi est en principe consacré à la manœuvre ou au louvoyage à bord de la corvette d’instruction mixte la Somme. Malheureusement, le temps d’aujourd’hui est trop mauvais pour ces exercices et ce n’est pas sans déception que les élèves doivent finalement suivre un cours d’instruction théorique et de travaux de gréement à bord. La plupart sont toutefois heureux de ne pas subir un cours d’anglais, matière qui peine depuis de nombreuses années à intéresser les élèves, au grand dam de la Commission de perfectionnement de l’École navale, qui ne cesse de s’en plaindre.
Les cours sont donnés par des lieutenants de vaisseau ou des professeurs civils de l’Université. Il est important d’y être attentif car durant toute l’année chaque élève reçoit un certain nombre de points. Régulièrement, un classement est établi et les dix-huit premiers, nommés élèves d’élite, sont libérés un dimanche après-midi, ou un jour férié, par mois. Les mots week-end ou vacances étant inexistants ou presque à bord du Borda durant les deux années de formation, cette récompense est très appréciable !
Une pause est prévue à 16h, heure du goûter durant lequel les élèves mangent un petit pain. Il arrive parfois que les anciens (de deuxième année) viennent « embêter » les fistots (première année) durant ces brefs moments de repos. Sur les anciens Borda, les rixes entre les deux divisions n’étaient d’ailleurs pas rares. Heureusement, ce n’est plus vraiment le cas à l’époque qui nous intéresse ici.
Le soir, le souper dure 30 minutes, de 20h à 20h30. Les élèves y mangent un plat de viande (sauf le vendredi ici encore réservé au poisson) et un plat d’entremets, généralement des légumes, du riz au lait, du pudding, des tourtes à la crème ou de la frangipane. S’ensuit une brève pause de quinze minutes que certains utilisent pour écrire une lettre à leurs proches.
A 20h45, nouveau branle bas, c’est l’heure de la prière. Il est bientôt 21h, il est temps d’aller se coucher, un dernier roulement de tambour, dit roulement de silence, annonce la fin de la journée . Celle de demain promet d’être encore bien remplie !
Sources :
– Barret. Vie de Charles Thépot, aspirant de marine
– Battesti, Michèle. La marine de Napoléon III
– Pech de Cadel, Flavien. Histoire de l’École navale et des institutions qui l’ont précédée
Excellent article, effectivement les journées étaient bien remplies, cela ferait hurler nombre de pédagogues d’aujourd’hui
Sans parler de la prière qui ferait hurler nos laïcards ! Je crois que la France se portait bien mieux, pourtant, avant la séparation des Églises et de l’État.
n’exagerons rien siouplait ));-))