Après vous avoir proposé le récit, le 28 avril dernier, d’un succès français : la prise par le brick français l’Abeille de l’anglais Alicrity le 26 mai 1811, voici quelques lignes sur un revers : la prise en Méditerranée, non loin de Malte, de la frégate française la Sensible par la frégate anglaise HMS Seahorse (ou Sea Horse), le 28 juin 1798. La nouvelle de ce combat et de son déroulement provoquant, nous allons le voir, une certaine indignation en France.
Voici l’histoire de ce duel, telle qu’on s’accorde à la raconter aujourd’hui : la frégate de 12 la Sensible, commandée par le capitaine de vaisseau Bourdé de la Villehuet, quitte Malte à la fin du mois de juin 1798 pour la France avec à son bord le général Baraguey d’Hilliers, et les drapeaux pris lors de l’occupation de l’île par l’expédition d’Égypte. Venue de Toulon armée en flûte, la frégate est mal réarmée, son matériel est incomplet et son équipage, trop faible, est renforcé par une soixantaine de benevoglies (galériens libres) de Malte. Dans l’après-midi du 27 juin, après une semaine de navigation, dans le sud de Marittimo (îles Egates), une frégate, portant pavillon espagnol, se rapproche. Bourdé reconnait une frégate anglaise et fait demi-tour vers Malte. Il s’agit en effet de la frégate anglaise Seahorse, commandée par le capitaine Edward James Foote, qui bat pavillon espagnol pour essayer de tromper son adversaire. Durant la nuit, la navire anglais se rapproche lentement. Au matin, le combat ne pouvant plus être évité, Bourdé ordonne les préparatifs pour le soutenir. Mais aux premières bordées de la Seahorse, vers quatre heures du matin, les benevoglies abandonnent leurs canons. Les ordres donnés pour résister à l’abordage sont inexécutés. Bourdé doit alors amener son pavillon, après avoir jeté à la mer les dépêches dont il était porteur et les drapeaux pris à Malte. Les pertes s’élèvent à une soixantaine de tués et blessés coté français, à deux tués et treize blessés coté anglais. Le capitaine anglais dépose un peu plus tard les prisonniers français, à l’exception du général Baraguey d’Hilliers et de ses aides de camp, à Cagliari, d’où ils seront rapatriés à Toulon par les soins du consul de France.
Il est aujourd’hui bien difficile de porter un quelconque jugement sur ce combat. Toujours est il que celui-ci fit à l’époque grand bruit, la prise par les anglais de la Sensible provoquant en France un véritable scandale, rendant furieux le ministre de la marine de l’époque, l’amiral Bruix.