
Le 6 août 1858, la reine Victoria s’apprête à monter à bord du vaisseau amiral la Bretagne, par Léon Morel-Fatio
Quelques mots sur cette œuvre remarquable du Musée national de la marine, signée Léon Morel-Fatio (1859). Nous sommes le 6 août 1858, Napoléon III reçoit la reine d’Angleterre en rade de Cherbourg. La peinture représente le canot de la reine Victoria et du prince consort Albert se dirigeant vers le vaisseau la Bretagne, le dernier trois-ponts construit par la France, à bord duquel a lieu une réception en l’honneur du couple royal.
Au début du mois d’août 1858, l’Empereur Napoléon III et l’Impératrice Eugénie entreprennent un voyage de plusieurs jours en Normandie et en Bretagne. Après un court séjour à Évreux et à Caen, ils arrivent à Cherbourg le 4 août et reçoivent le 5 la reine Victoria d’Angleterre et son époux, invités à visiter l’arsenal puis à assister à l’inauguration du bassin Napoléon III et au lancement du vaisseau hélice de 90 canons la Ville de Nantes, de type Napoléon.
Le fameux photographe du Second Empire Gustave Le Gray prend plusieurs clichés de l’escadre franco-anglaise réunie en rade de Cherbourg pour l’occasion (source Bibliothèque nationale de France) :
Selon la presse de l’époque, l’escadre française est constituée des vaisseaux la Bretagne, portant le pavillon de l’amiral Romain-Desfossés, le Napoléon, l’Arcole, l’Eylau, l’Alexandre, l’Austerlitz, tous de 90 canons, le Donawerth, de 84, portant la marque du contre-amiral Lavaud, l’Ulm, le Saint-Louis, tous deux de 84 canons également, la frégate à vapeur l’Ilsy et plusieurs bâtiments de guerre plus modestes tirés du bassin des armements. Il s’agit là des plus récentes unités de la marine française de cette époque, et l’on constate que la plupart de leurs noms font référence au Premier Empire ! (De quoi agacer les Anglais ?)
L’escadre anglaise est composée du Royal Albert, vaisseau de premier rang lancé en 1854, et de deux frégates. On remarque que le yacht royal Victoria and Albert porte à son grand-mât le pavillon tricolore.
A cette époque, France et Angleterre sont alliées, les deux souverains s’entendent personnellement bien et les deux puissances ont victorieusement combattu les Russes ensemble durant la Guerre de Crimée (1853-1856). Napoléon III souhaitent consolider cette alliance et impressionner les Anglais. Les choses ne se passent toutefois pas comme l’avait espéré l’Empereur. Les signes du renouveau naval français et l’existence même de la base de Cherbourg, pointée vers l’Angleterre comme l’avaient déjà imaginé Louis XVI puis Napoléon quelques décennies auparavant, sont interprétés comme une provocation par les Britanniques. L’entrevue est froide et brève, le couple royal ne s’attarde pas et n’assistera finalement pas au lancement de la Ville de Nantes.
Les Britanniques s’inquiètent en outre du développement et de la modernité de la marine française, qui est sur le point de lancer le premier cuirassé de haute mer de l’Histoire : la Gloire. Et ceci est déjà une autre histoire…
Magnifiques photographies. Merci de les avoir partagées.
VAE (2S) Eric Schérer