A propos du Louis XIV (1854)

Le vaisseau de 120 canons le Louis XIV (1854)

Il y a 170 ans, le 28 février 1854, le journal local L’Écho rochelais annonçait la mise à l’eau à Rochefort d’un grand vaisseau de 120 canons, le Louis XIV :

« C’est aujourd’hui mardi, 28 février, dans l’après-midi, que doit être lancé des chantiers de Rochefort le Louis XIV. Ce vaisseau est de premier rang, c’est-à-dire de 120 canons, il est mis en chantier depuis 1811. On le considère comme l’un des plus magnifiques navires de la flotte française.
A une heure, et par la porte du Nord, tous les officiers des armées de terre et de mer en tenue auront accès dans l’Arsenal pour eux et leur famille.
A deux heures, les portes de l’Arsenal seront ouvertes au public ; – à la même heure, la bénédiction solennelle sera donnée au Louis XIV par le clergé de la marine. »

Il peut sembler étonnant qu’un vaisseau mis en chantier en 1811, sous Napoléon Ier, ait été lancé plus de quarante ans plus tard, en 1854, sous Napoléon III. Cette grande durée de construction a toutefois une explication : dès le début de la Restauration en 1814-1815, par souci d’économie, de nombreux vaisseaux mis en chantier sous le Premier Empire furent maintenus en cale sèche, protégés par une toiture provisoire en bois, prêts à être lancés et armés rapidement si besoin, en cas de conflit ou plus simplement pour remplacer numériquement un vieux navire retiré du service.

Cette pratique permettait à moindre coût d’atteindre virtuellement l’objectif officiel des 40 vaisseaux et 50 frégates fixé par le baron Portal en 1820. Cet objectif n’évolua pas jusqu’à la fin de la Monarchie de Juillet. Les ordonnances du 10 mars 1824 et treize ans plus tard du 1er février 1837 prévoyaient ainsi toutes les deux une flotte de 40 vaisseaux et 50 frégates : la moitié à flot et immédiatement disponible, l’autre moitié maintenue sur cale, achevée au 22/24e. (A ce sujet, on peut noter que dans son testament politique daté de 1626, le cardinal de Richelieu recommandait déjà à Louis XIII d’avoir une flotte de 40 vaisseaux et 40 galères.)

Jusqu’à la moitié du XIXe siècle, de nombreux navires – vaisseaux et frégates – de type Sané, dont les plans avaient été adoptés sous l’Ancien Régime (!), dans les années 1780, furent donc lancés longtemps après leur mise en chantier dans les différents arsenaux du pays. Le Louis XIV ne fut pas le seul 118/120 canons dans ce cas : la Ville de Paris mise en chantier en 1807 fut lancée en 1850 ; le Friedland mis en chantier en 1812 fut lancé en 1840 ; le Trocadéro mis en chantier en 1813 fut quant à lui lancé en 1824.

Transformation du Louis XIV en vaisseau à vapeur, à Brest en 1856. Extrait de « L’arsenal de Brest, la mémoire enfouie ». Fonds Photographiques du Musée National de la Marine.

Initialement nommé le Tonnant en 1811, c’est en 1828 que le vaisseau fut en fait renommé le Louis XIV. C’est évidemment la guerre de Crimée qui provoqua son lancement en 1854. Pendant ce conflit, il fut essentiellement utilisé comme transport de troupes en mer Noire. Ce n’est qu’en 1856-1857 qu’une machine à vapeur fut installée à son bord. Le Louis XIV devint dès lors ce que l’on appela à l’époque un vaisseau (à propulsion) mixte, à voiles et à vapeur, éphémère navire de transition entre l’ancienne marine et la marine moderne.

Dépassé par les premiers cuirassés construits dés 1860, le Louis XIV fut par la suite utilisé comme vaisseau-école de canonnage à Brest de 1861 et 1865, puis à Toulon – en remplacement du Montebello – de 1865 à 1873. Il fut condamné à la démolition une dizaine d’années après.

Le vaisseau-école des canonniers Louis XIV et la batterie flottante Dévastation, son annexe de 1866 à 1870, par Antoine Fremy, XIXe siècle. Musée des Beaux-Arts de Bordeaux.

Sources :
– Battesti, Michèle. La marine de Napoléon III
– Farret, Étienne. Notice historique sur le matelot canonnier et le navire-école de canonnage (1627-1882) dans Revue maritime et coloniale, tome 84, 1885
– Roche, Jean-Michel. Dictionnaire des bâtiments de la flotte de guerre française de Colbert à nos jours
– Taillemite, Etienne. Histoire ignorée de la marine française

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