Florence Parly, la ministre des armées, l’a annoncé ce matin : « Nous venons de retrouver la Minerve. C’est un succès, un soulagement et une prouesse technique. Je pense aux familles qui ont attendu ce moment si longtemps ».
La Minerve, sous-marin d’attaque français de type Daphné lancé en 1962 avait disparu le 27 janvier 1968 au large de Toulon, avec 52 marins à son bord. Des recherches pour retrouver le bâtiment avaient été menées de 1968 à 1970, sans succès. Elle avaient repris cette année, à la demande des familles de disparus.
La nouvelle est donc bonne et importante. Elle est également l’occasion pour moi de revenir sur un sujet qui m’intéresse depuis longtemps : l’appellation des navires de guerre français.
J’ai agréablement constaté que l’immense majorité des grands médias ont bien nommé le sous-marin retrouvé LA Minerve et non LE Minerve ! Minerve étant une déesse de la mythologie romaine, le bâtiment doit être féminisé car son nom est féminin, et ce peu importe que le type de navire (sous-marin en l’occurrence) soit masculin ! C’est la règle dans la marine de guerre française, comme je l’ai largement expliqué dans un précédent article du blog.
J’ai toutefois observé une maladresse récurrente dans de nombreux articles de presse : la présence de l’article « la » lorsque le nom du navire est précédé de son type. On peut donc lire dans de nombreux articles : « le sous-marin la Minerve ». Cette façon d’écrire est incorrecte, car l’article « la » ne fait pas partie intégrante du nom du sous-marin français…
La question de l’appellation des navires français, et notamment de l’utilisation de l’article précédant le nom d’un bâtiment, est ancienne et date du début de XXe siècle. En 1912, Gaston Thomson, alors ministre de la marine, écrit à ce propos :
« Le nom du bâtiment est inscrit à l’arrière sans être précédé d’aucun article et on peut lire : Patrie, République, Vérité. La correction, lorsqu’on désigne le nom, veut qu’on indique en même temps la classe du navire et qu’on dise, par exemple : « le cuirassé Justice« , « le contre-torpilleur Javeline« , etc. Dans le langage courant, on ne cite que le nom, mais on a le soin alors d’accorder l’article avec le substantif. On se garde de dire : « le Liberté« , « le Jeanne-d’Arc« , « le Marseillaise« , et on a grandement raison, car je ne sais rien de plus inélégant que ces interversions de genre et de sexe. »
Puis plus tard, suite à une nouvelle polémique faisant suite au lancement du paquebot Normandie en 1932 (devait-on dire le ou la Normandie ?), François Piétri, ministre de la marine de l’époque, signa une circulaire datée du 13 août 1934 à propos de « l’usage de l’article devant les noms des navires de guerre » :
« […] Il convient donc, en ce qui concerne l’usage de l’article, de fixer une doctrine qui autant que le permet la dénomination de nos navires, se rapproche de la tradition correcte. En conséquence, j’ai décidé que :
« Premièrement : L’article devra toujours être employé lorsqu’on citera le nom d’un navire de guerre sans le faire précéder de celui de sa catégorie, exemple : la Provence, la Jeanne-d’Arc, le Vauban, la Psyché. Exception de cette règle ne sera tolérée que dans le style télégraphique.
Deuxièmement : Lorsqu’on fera précéder le nom du navire de celui de sa catégorie, l’article devra toujours figurer devant le nom s’il fait partie intégrante du nom officiel ; il n’y figurera pas dans le cas contraire ; exemple : le contre-torpilleur Le Fantasque, le torpilleur La Palme, le sous-marin La Sultane, le cuirassé Provence, le croiseur Foch, le torpilleur Tramontane.
Troisièmement : Par voie de conséquence, toutes les phrases devant être construites avec cet article ; on devra dire par exemple : les turbines de La Bourrasque, ou j’embarque sur le Suffren. »
Ainsi donc, d’après les citations ci-dessus, qui découlent d’une tradition vieille de plusieurs siècles :
1/ l’article placé devant le nom d’un navire de guerre français s’accorde avec lui et non avec son type,
2/ cet article doit être enlevé si le nom est précédé du type de bâtiment, sauf s’il fait partie intégrante du nom du navire.
Depuis la fin du Second Empire environ, l’article ne fait par défaut plus partie du nom des navires de guerre français. Il existe toutefois des exceptions. On peut notamment citer les sous-marins nucléaires lanceur d’engins (SNLE) français de type Le Triomphant. Cette exception ne concerne pas les sous-marins d’attaque de type Daphné, qui nous intéressent ici, et donc la Minerve !
En conséquence, on doit écrire, lorsqu’on évoque la Minerve, « le sous-marin Minerve » ; et lorsqu’on évoque le SNLE actuellement en service, « le sous-marin Le Triomphant« .
Merci Nicolas pour ce rappel toujours intéressant à relire !
On donc aisément confirmer que si on se trompe « cette façon d’écrire est incorrecte »… 😉