
Prise d’un vaisseau hollandais par les galères de France à la hauteur d’Ostende, juillet 1702. Par Théodore Gudin. Châteaux de Versailles et de Trianon, Versailles, France
L’apparition du vaisseau de ligne et son développement au XVIIe siècle eut pour conséquence le déclin de la galère, quelques décennies seulement après la bataille de Lépante (1571), où elle joua pourtant un rôle décisif. Bien que jouissant encore d’un certain prestige, qu’elle conserva en France jusqu’au XVIIIe siècle, la galère n’eut dés la constitution de la première marine de Louis XIV plus qu’un rôle auxiliaire : missions de patrouille, de course ou de protection des convois.
La galère disposait toutefois d’avantages certains sur les navires à voiles. Sa légèreté et son faible tirant d’eau lui permettaient une grande souplesse de manœuvre, sa propulsion la rendait indépendante de la force ou de la direction du vent et sa proue était armée d’une très puissante pièce d’artillerie (dite coursier). Bien utilisées, ces qualités pouvaient être décisives dans un combat opposant des galères à un vaisseau, à la condition bien sûr que l’absence de vent paralyse les mouvements de ce dernier, et que les galères agissent « en meute », groupées et de manière coordonnée.
En vérité, les affrontements opposant vaisseaux et galères furent peu nombreux et souvent dominés par les vaisseaux. En 1684 par exemple, le vaisseau de 48 canons le Bon commandé par le comte de Relingue fut attaqué au large de l’île d’Elbe par trente-six galères espagnoles et génoises. Il tint bon jusqu’à ce qu’une brise propice lui permette de se retirer après avoir coulé ou endommagé plusieurs galères ennemies. Le vaisseau français perdit 90 hommes d’équipage (sur environ 400), tués ou blessés, mais put regagner Livourne sans encombre.
Un combat quelque peu oublié entra toutefois dans les annales de l’histoire maritime française, celui-ci ne se déroula paradoxalement pas en Méditerranée – où les galères françaises étaient essentiellement utilisées – mais en mer du Nord : le 4 juillet 1702, durant la guerre de Succession d’Espagne, un groupe de six galères françaises commandées par le chevalier de La Pailleterie – composé de l’Emeraude, l’Heureuse, la Martiale, la Marquise, la Palme et la Triomphante – se dirigea vers une escadre de vaisseaux hollandais et captura audacieusement l’un d’entre eux, l’Eenhoorn (Licorne) qui s’en était écarté (voir illustration ci-dessous).
L’événement fut à l’époque relaté par la Gazette de France (n°28, 15 juillet 1702) :
« D’Ostende, le 6 juillet 1702
Le Chevalier de la Pailleterie sortit de ce port le 3 de ce mois, avec les six galères qu’il commande. Le 4 au matin, il aperçut une escadre de douze vaisseaux hollandais, destinés à la garde des côtes de l’Ile de Cadsant et de Zeelande, et qui se tenaient assez éloignés les uns des autres, à cinq lieues d’ici. Comme le vent était faible, mais néanmoins assez fort pour gouverner et présenter le coté, il résolut d’en attaquer un. Il le canonna durant quelque temps, mais après plusieurs décharges de canon et de mousqueterie, il l’aborda dans ses haubans de derrière, deux autres galères l’abordèrent de même, on s’en empara en très peu de temps, et il fut remorqué dans ce port à la vue des onze vaisseaux ennemis. Le sieur de Malesieux fut le premier officier qui monta dessus. Nous y avons eu trente hommes tués ou blessés, et le Chevalier d’Artignos est du nombre des premiers. Le sieur de Lubières, Lieutenant de galère, a eu la cuisse cassée, et est en grand danger. Les ennemis ont eu vingt-cinq à trente hommes tués et plusieurs blessés. Ce vaisseau s’appelle la Licorne, monté de deux cents cinquante hommes, armé de cinquante canons et percé pour soixante. »
Le même numéro de la Gazette de France précise que le chevalier de La Pailleterie fut en récompense de cette action promu au grade de chef d’escadre des galères de Dunkerque, le 11 juillet 1702.

Prise du vaisseau hollandais Eenhoorn par six galères françaises commandées par le chevalier de La Pailleterie, le 4 juillet 1702. Auteur inconnu
Ce type d’exploit était toutefois rare, même si l’on peut également citer la prise en 1707 de la frégate anglaise Nightingale par des galères du Ponant commandées par le chevalier de Langeron, la capture de quatre vaisseaux français portant 16 à 30 canons par six galères espagnoles commandées par le duc d’Albuquerque au large de Tortose (Espagne) le 23 novembre 1650, ou encore les succès rencontrés par les galères de l’Ordre de Malte contre les vaisseaux turcs au XVIIe siècle.
La France conserva et entretint malgré tout une importante marine de galères, basée notamment à Marseille, tout au long du règne de Louis XIV. Au XVIIIe siècle, cette flotte se réduisit de plus en plus et en 1748, la marine des galères, qui se distinguait jusqu’alors de la marine des vaisseaux, fut réunie avec elle. Par la suite, même si la galère ne fut plus utilisée au combat par la Marine française, cette dernière en conserva encore un petit nombre jusqu’à la fin du siècle. La dernière galère utilisée en opération par la France aurait été la Duchesse, construite en 1742 et renommée la Patience pendant la Révolution, qui aurait été utilisée comme navire de liaison pendant l’expédition d’Égypte de 1798.
La galère fut toutefois encore largement utilisée par d’autres puissances navales, à la fin du XVIIIe siècle et au début du XIXe, principalement par la Russie et la Suède en mer Baltique, et par les États italiens et l’empire Ottoman en Méditerranée. Et c’est déjà une autre histoire !
Sources :
– Burlet, René. Les galères au Musée de la Marine
– Grimald, Patrice. Une galère à Versailles, Reconstitution de la Réale du Grand Canal construite en 1685