
La prise du Lord Nelson par le corsaire français la Bellone, le 14 août 1803. Par Auguste Mayer, 1872.
Le plus célèbre corsaire de l’époque napoléonienne est certainement Robert Surcouf. Il ne fut toutefois pas le seul à se distinguer pendant cette période, durant laquelle la guerre de course contre les Britanniques était particulièrement importante.
Le 24 septembre 1803, l’amiral Decrès, ministre de la Marine, écrivit ainsi à Napoléon Bonaparte, alors Premier Consul :
« Citoyen Premier Consul,
Le règlement sur la course du 2 prairial dernier, promet des récompenses aux marins qui se seront distingués.
Trois officiers de corsaires, entr’autres, ont récemment donné des preuves d’une grande valeur, et j’ai l’honneur de vous demander pour eux des haches d’abordage d’honneur.
Le premier, Luc Gilles Valton, était capitaine en second sur le corsaire le Courrier de Terre-Neuve de St. Malo, armé de 4 canons seulement. Le 17 prairial dernier, ce corsaire combattait près de Guernesey un cutter anglais de 10 canons. L’abordage est ordonné, et Valton s’élance aussitôt à bord ; le cutter parvint à se dégager, et ce brave marin qui combattait seul, est grièvement blessé ; Valton fait prisonnier est renvoyé par les Anglais ; mais malheureusement ses blessures le laisseront peut-être hors d’état de servir.
Le second, Jacques Perroud, commandait le corsaire la Bellone de Bordeaux de 28 canons de 8, lorsqu’il rencontra, le 25 thermidor, près la baye de Bantry, le navire de la compagnie anglaise le Lord Nelson, ayant 26 canons de 18 et de 12, et un équipage de 150 hommes ; celui de la Bellone était affaibli par des prises antérieures, et il y avait à bord de ce corsaire, 56 prisonniers qu’il fallait contenir. Cependant Perroud ordonne l’abordage ; 60 hommes de son équipage s’élancent à bord du bâtiment ennemi qui est enlevé à l’instant.
Je dois à la mémoire du citoyen Delaunay de ne pas passer sous silence le dévouement dont il a donné le glorieux exemple.
Dans ce combat, il était le premier lieutenant de la Bellone ; il s’élança le premier à bord du bâtiment ennemi en poussant un cri d’enthousiasme et d’encouragement pour l’équipage, et y fut tué dans la chaleur de l’action.
Le troisième, le capitaine Bavastro, commandant le corsaire l’Intrépide de Nice, de quatre canons, s’est emparé, le 5 fructidor, par deux abordages successifs, de deux navires anglais lettres de marque, l’un de quatorze et l’autre de seize, qui le combattaient à la fois. Le capitaine Bavastro enleva d’abord le premier ; et quoiqu’il ne lui restât que quatorze hommes, il n’hésita pas à aborder le second. Son fils qui le suivait blessa dangereusement le capitaine ennemi, et bientôt les quinze Français forcèrent les trente-cinq Anglais à mettre bas les armes.
Salut et respect,
Signé Decrès. »
Faisant suite à la demande de son ministre de la Marine, Napoléon accorda à ces trois marins une hache d’abordage d’honneur (voir illustration ci-dessous), récompense créée au début du Consulat et destinée à distinguer les marins après « une action d’éclat ».
Cinquante haches d’abordage d’honneur furent distribuées entre 1801 et 1803, par exemple à Vincent-Louis Le Gras, aide-canonnier d’artillerie de marine qui lors du bombardement de Boulogne par les Britanniques le 15 août 1801 « sauva la vie à plusieurs de ses camarades prêts à périr sur leur bateau qui avait coulé. Dans l’affaire du 27 [août, toujours devant Boulogne, il] pointa avec tant de justesse qu’il coula plusieurs péniches anglaises. »
Valton, Perroud et Bavastro furent les trois seuls corsaires à obtenir cette récompense, qui disparut au début de l’Empire en faveur de la Légion d’honneur.
Merci pour cette publication!
Excellent article
J’ignorais que cette distinction existait
« C’est avec des hochets (et des haches) que l’on mène les hommes » (Napoléon)