Le Souverain (1819-1885)

« Dernier vestige d’un matériel séculaire, il semble être le symbole des traditions des âges qui nous ont précédés. Au milieu des transformations incessantes de notre matériel naval, peut-être n’avons-nous plus à étudier le côté technique de la marine d’autrefois ; nous avons certainement à en méditer le côté humain et à y puiser de fortifiantes leçons. L’engin de combat se transforme le personnel reste le même. Les vaisseaux de ligne, depuis le Soleil-Royal de Tourville jusqu’au Souverain d’aujourd’hui, nous ont légué un glorieux héritage de valeur, d’abnégation et de dévouement. Appliquons-nous à être les dignes fils de nos héroïques devanciers. »

Cette remarquable citation est extrait d’un intéressant article (déjà évoqué sur Trois-Ponts!) Notice historique sur le vaisseau le Souverain publié dans la Revue maritime et coloniale (tome 79, 1883), dans lequel le lieutenant de vaisseau Étienne Farret raconte la carrière des trois Souverain de l’histoire de la Marine française, dont l’important vaisseau de premier rang, mis en chantier à Toulon en 1813, mis à l’eau en 1819 et armé pour la première fois le 16 avril 1840, soit vingt ans après son lancement ! En voici un long résumé.

Le Souverain faisait partie de la seconde division (contre-amiral de La Susse) de la fameuse escadre de la Méditerranée (amiral Hugon). Il fut commandé à cette époque par les capitaines de vaisseau Jouglas (1841) puis Daguenet (1842), tous deux secondés par le capitaine de corvette Jame. En 1842, l’escadre, après un court séjour aux îles d’Hyères, fit une tournée sur les côtes d’Italie. Elle visita successivement la Corse, l’île d’Elbe, les plages romaines et séjourna quelque temps dans la baie de Naples. Parmi les enseignes de vaisseau du bord se trouvait Jean-Bernard Jauréguiberry, qui devint vice-amiral et fut Ministre de la marine du 4 février 1879 au 23 septembre 1880 puis du 30 janvier 1882 au 29 janvier 1883.

Resté désarmé jusqu’au 1er avril 1846, le Souverain fut de nouveau armé à cette époque et servit de vaisseau amiral au prince de Joinville, nommé au commandement en chef de l’escadre d’évolutions. Le chef d’état-major était le contre-amiral Hernoux ; le capitaine de pavillon, le capitaine de vaisseau Charner, ancien second du prince de Joinville sur la frégate la Belle-Poule ; le commandant en second, le capitaine de corvette Martin. Les lieutenants de vaisseau Fisquet, Périgot, et l’enseigne de vaisseau Jaurès figuraient dans l’état-major du vaisseau.

Pendant le mois de juillet 1847, l’escadre, forte de 7 vaisseaux et de 3 navires à vapeur, vint mouiller devant Tripoli. La mission de l’amiral dans ces eaux consistait à faire des remontrances au Pacha sur son ingérence dans les affaires tunisiennes. Elle revint ensuite passer l’hiver en France, où elle reçut dans sa composition des modifications importantes. Elle fut réduite à cinq vaisseaux et à une frégate, une corvette à vapeur étant attachée à chaque vaisseau à voiles pour le remorquer dans les calmes et les brises contraires. Pendant la campagne d’été, l’escadre fit une longue station sur les côtes de Sicile et d’Italie. Elle revint à Toulon dans les derniers mois de l’année et s’y trouvait lorsque éclata la révolution de Février.

En 1848, un nouveau chef, l’amiral Baudin, fut envoyé à l’escadre. Étant lieutenant de vaisseau, il avait eu un bras emporté dans le fameux combat que la Sémillante livra dans la mer des Indes, le 18 mars 1808, à la frégate anglaise Terpsichore. En 1838, il avait commandé l’escadre française envoyée au Mexique, ruiné le fort de Saint-Jean-d’Ulloa et emporté d’assaut la Vera-Cruz.

L’amiral Baudin mit son pavillon sur le Friedland. Le Souverain était alors commandé par le capitaine de vaisseau Le Barbier de Titian. L’escadre vint aux îles d’Hyères, et peu de temps après reçut l’ordre de se rendre sur les côtes d’Italie pour y appuyer la politique de la France. Elle relâcha à Gênes, la Spezia, Livourne et Naples. Une petite division fut détachée à Venise. L’escadre assista à la terrible insurrection de Naples du 15 mai 1848. Elle vint sur les côtes de la Sicile que le roi de Naples, Ferdinand II, avait à reconquérir, puis revint ensuite dans la baie de Naples, qu’elle quitta le 26 octobre 1848. Elle fit une relâche de 8 jours à la Spezia et rentra à Toulon le 15 novembre. Le Souverain désarma le 18.

Le trois-ponts resta désarmé jusqu’à sa transformation en vaisseau à hélice, à Toulon sous la direction de Silvestre du Perron. L’opération, commencée en novembre 1853, fut terminée en novembre 1854. L’appareil moteur, de la force de 600 chevaux, construit d’après les plans de Dupuy de Lôme, fut monté à bord du mois de décembre 1856 au mois de juin 1857. Le Souverain arma pour essais à cette dernière date, sous le commandement du capitaine de frégate de Jouslard. Son artillerie consista en 110 canons. Le vaisseau partit de Toulon le 25 août et passa trois jours dans la rade des îles d’Hyères à faire des essais. Le 5 septembre, il fit la traversée de Toulon à Alger et retour, que l’on utilisa pour se livrer à diverses expériences sur sa machine et étudier ses qualités nautiques. Il n’eut donc pas le temps de participer aux opérations de la guerre de Crimée (1853-1856).

Le Souverain resta désarmé jusqu’à l’expédition du Mexique, durant laquelle la marine de guerre fut chargée du transport des troupes, des chevaux et du matériel. Le navire fut à cet effet armé en transport en 1862, avec une artillerie de 16 canons de 30, et placé sous le commandement du capitaine de vaisseau Sévin. Il partit de Toulon le 28 août, arriva à Oran le 1er septembre et appareilla le 5, avec 1,700 passagers militaires, des chevaux et un matériel considérable. Il toucha à Ténériffe le 12 et à la Martinique le 1er octobre. Il en partit le 8 pour la Vera-Cruz où il mouilla le 28. Le vaisseau quitta la Vera-Cruz le 8 novembre, relâcha à la Havane et arriva à Toulon le 8 janvier 1863. Le gréement, qui était très vieux, souffrit beaucoup pendant cette navigation.

Le vaisseau fut mis en réserve entre 1863 et 1866. A la fin de cette dernière année, il participa au rapatriement du corps expéditionnaire du Mexique. Réarmé en novembre 1866, sous le commandement du capitaine de vaisseau Leblanc, il partit de Toulon le 5 janvier 1867 et relâcha le 19 à Algésiras pour cause de mauvais temps. Il quitta Algésiras le 22, fit escale à la Martinique et arriva à la Vera-Cruz le 6 mars. Il en partit le 12 avec le maréchal Bazaine et 700 soldats d’infanterie et mouilla à Toulon le 2 mai, après de courtes relâches à la Havane, à Fayal et à Gibraltar. Le vaisseau fut mis en réserve à son retour.

Il fut enfin armé en février 1877 avec une artillerie spéciale et les installations nécessaires au service de l’École des apprentis-canonniers. Il a été successivement commandé par les capitaines de vaisseau Lefort (1877-1878), Massias-Jurien de la Gravière (1879-1880), de Labarrière (1881-1882), Alquier (1883-1884) et Augey Dufresse (1885).

Le Souverain fut remplacé en 1885 par la Couronne comme navire-école des canonniers. Rayé des listes et transformé en ponton-caserne de l’infanterie de marine à Toulon (toutes les photographies de cette page datent de cette époque), il sera finalement vendu pour démolition vingt ans plus tard, en 1905.

3 réflexions sur “Le Souverain (1819-1885)

  1. Y a t il des photos ou gravures des aménagements intérieurs de ces navires, équipage et officiers ?

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