En 1865, l’amiral Edmond Jurien de La Gravière, qui participa notamment à la guerre de Crimée en 1854 et commanda l’escadre française envoyée au Mexique en 1861, raconte dans l’une de ses nombreuses publications, La marine d’autrefois par un marin d’aujourd’hui, la fin de l’époque de la marine de guerre à voiles et les conséquences du lancement du Napoléon, premier vaisseau de ligne à hélice conçu pour naviguer principalement à la vapeur (les voiles ne jouant plus qu’un rôle auxiliaire) :
« Le jour où fut arrêté ce programme [de 1857], la marine d’autrefois eut vécu. Une sorte de solennité sembla présider à sa condamnation. Ce fut en plein conseil d’État, les sections de la guerre, de la marine et des finances réunies, que l’arrêt rigoureux, un arrêt suprême et sans appel, lui fut signifié. Après une délibération, telle qu’on la pouvait attendre de cette grande assemblée au sein de laquelle tant de questions sont venues chercher la lumière, il fut décidé qu’à dater du 1er janvier 1858 un navire à voiles, quel que pût être le nombre de ses canons, cesserait d’être considéré comme un navire de guerre. Ainsi finit une marine qui avait duré 200 ans. La marine de Louis XIV, de Louis XV et de Louis XVI, celle de la république et de l’empire, la marine même du gouvernement de Juillet, ce ne sont pas des marines différentes ; c’est la même marine à différents âges. Entre le Soleil Royal monté par le maréchal de Tourville et l’Océan monté par l’amiral Hugon, il n’y a que des perfectionnements de détail, perfectionnements que deux siècles ont été bien lents à réaliser. Entre l’Océan et le Napoléon, il y a toute la distance qui sépare le reptile de l’oiseau. »
Un peu plus loin, il écrit :
« Aujourd’hui plus que jamais la question se trouve reportée tout entière sur le terrain financier. C’est en vain que nous remanierions chaque jour notre organisation intérieure, si nous n’avions pas l’appui assuré du trésor public. Tout nouveau vaisseau que nous mettons à la mer, en même temps qu’il nous apporte un surcroît de force, nous impose une nouvelle charge et une augmentation inévitable de dépenses. C’est un fonds dont il faut à la fois servir régulièrement l’intérêt et amortir, en dix-huit années au plus, le capital. Rien ne sert donc de grossir le chiffre de sa flotte, si l’on ne s’assure à l’avance les moyens de ne pas la laisser dépérir. En toute chose, sans doute, mais bien plus encore en marine, il est essentiel de régler ses aspirations sur ses ressources. Pour constituer une puissance durable, il vaut mieux suivre avec persévérance un sage programme, qu’afficher un programme ambitieux qu’on ne suivra pas. »
Un conseil avisé que l’on ferait bien de ne pas oublier…
Très très intéressant, cette date du 1er janvier 1858 ne devrait pas être si méconnue, l’histoire du 19ème est tellement riche dans tous les domaines que la marine est frappée de plein fouet. Tout est alors à reconsidérer dans l’architecture navale où l’on va voir évoluer de nouveaux types de bâtiments capable d’une puissance de feu qui jusqu’à aujourd’hui ne cesse d’augmenter.