Les « Royal Louis » de la Marine française

Dessin P. Pujet supposé représenter le royal louis (1668)

Une tradition de la marine de l’Ancien Régime voulait que le plus beau, le plus grand et le plus puissant navire de la flotte française soit le Royal Louis. Du règne de Louis XIV jusqu’à celui de Charles X, six vaisseaux portèrent ce nom, tous furent de premier rang et dotés de trois ponts. Afin d’éviter toute confusion entre ces différents bâtiments, il m’a semblé important de faire une rapide description de chacun d’entre eux.

[MAJ 18/10/2013 : J’ai effectué ce même travail avec les Soleil Royal.]

  • Le premier Royal Louis 1668 – 1690.

Construit à Toulon par Rodolphe Gédéon, secondé par Laurent Coulomb. Lancé le 1er février 1668. Les caractéristiques de ce vaisseau sont à l’époque précisées par le commissaire au port de Toulon, Hayet dans sa Description du vaisseau Le Royal Louis, dédiée à messire Pierre Arnoul. Il ne fait qu’une seule campagne en 1677.
Dimensions : longueur 163 pieds (53 m) ; largeur 43 pieds 6 pouces (14,13 m) ; creux 20 pieds 8 pouces (6,74 m).
Armement : Hayet se contredit quelque peu concernant l’artillerie du Royal Louis. Il indique (page 21) que le vaisseau porte 12 pièces de 36, 18 pièces de 24, 30 pièces de 18, 30 pièces de 12 et 20 pièces de 8 (en tout 110 canons). Il indique également (page 3) qu’il compte 32 sabords à la première batterie, 28 à deuxième, 26 à troisième, 20 sur les gaillards et 4 sur la dunette. Face à ces contradictions, le spécialiste Jean Boudriot estime que la première batterie comportait 12 canons de 36 et 18 canons de 24, ces derniers étant, suivant l’habitude de l’époque, placées aux extrémités de batterie ; l’armement de deuxième batterie devait être constitué de 30 canons de 18 livres ; la troisième batterie 26 canons de 12 livres ; et pour les gaillards 20 canons de 8 livres plus 4 sur la dunette. Suivant les indications de Hayet quant au nombre de canons de 12 et de 8 portés par le Royal Louis, doit-on en déduire que 4 canons de 12 armaient en partie les gaillards ? Difficile à dire…
En résumé : Première batterie : 30 canons (12 de 36 livres – 18 de 24 livres). Deuxième batterie : 30 canons de 18 livres. Troisième batterie : 26 canons de 12 livres. Gaillards : 20 canons de 8 livres. Dunettes : 4 canons de 8 livres. En tout, 110 canons.

  • Le deuxième Royal Louis 1692 – 1727.

Construit à Toulon par François Coulomb, dit Coulomb fils (son père était Laurent Coulomb). Mis en chantier le 9 avril 1692 et lancé le 22 septembre de la même année. Il ne fit qu’une seule campagne en 1693 et ne prit semble-t-il part à aucun combat. Il est rayé des listes en 1716 et démoli à Brest en 1727.
Dimensions : longueur 176 pieds (57,20 m) ; largeur 48 pieds (15,60 m) ; creux 23 pieds (7,47 m). Il est le plus grand vaisseau construit sous le règne de Louis XIV.
Armement : A l’origine, ce Royal Louis devait être armé de 30 canons de 48 livres à sa première batterie. Rapidement, pour des raisons de stabilité du navire, on les remplaça par des pièces de 36, plus traditionnelles. La deuxième batterie portait 32 canons de 18 livres, la troisième 30 canons de 12 livres ; sur les gaillard d’avant 6 canons et sur le gaillard d’arrière 10 canons, soit 16 canons de 8 livres ; sur la dunette 4 canons de 6 livres. En tout, 112 canons, tous en bronze.

  • Le troisième Royal Louis 1740 – 1742.

Mis en chantier à Brest, sur des plans de Blaise Ollivier, le 14 mars 1740. Le vaisseau brûle le 25 décembre 1742, alors qu’il était achevé jusqu’au 3e pont et que les baux des gaillards étaient en place. L’incendie dura six heures et tout fut détruit. Ce vaisseau aurait été le plus grand vaisseau de son époque et le premier a être percé à 16 sabords à la batterie basse.
Dimensions : longueur 190 pieds (61,75 m) ; largeur 51 pieds 1 pouce (16,60 m) ; creux  24 pieds 4 pouces (7,90 m).
Armement : Batterie basse 32 canons de 36, deuxième batterie 34 canons de 18, troisième batterie 34 de 12, gaillards 18 canons de 8 et dunettes 6 canons de 4. Tous ces canons étaient prévus en bronze. En tout 124 canons.

  • Le quatrième Royal Louis 1759 – 1772.

Construit à Brest, par Jacques Luc Coulomb, en principe sur les mêmes plans que le précédent Royal Louis. Lancé en mai 1759.
Dimensions : elles sont donc identiques au Royal Louis de Blaise Ollivier : longueur 190 pieds (61,75 m) ; largeur 51 pieds 1 pouce (16,60 m) ; creux  24 pieds 4 pouces (7,90 m).
Armement : Son artillerie est toutefois sensiblement différente. Première batterie 32 canons de 36, deuxième batterie 34 canons de 24, troisième batterie 34 canons de 12, gaillard d’avant 6 canons de 8, gaillard d’arrière 10 canons de 8. Au total 116 canons.

  • Le cinquième Royal Louis 1780 – 1794.

Au début de la guerre d’Indépendance, la France met en construction quatre vaisseaux trois-ponts de 110 canons parmi lesquels un Royal Louis. Construit à Brest d’après les plans de Léon Michel Guignace. Lancé le 20 mars 1780. Renommé le Républicain en 1792, il combat durant la bataille du 13 prairial an II (1er juin 1794) puis fait naufrage sur la roche Maigam à Brest quelques mois plus tard, le 24 décembre 1794.
Dimensions : longueur 182 pieds (59,15 m), largeur 50 pieds (16,25 m), creux 24 pieds 6 pouces (7,96 m).
Armement : Sa première batterie comportait à l’origine 30 canons de 48 livres. Ces canons seront remplacés par des canons de 36 en 1782. Deuxième batterie 32 canons de 24. Troisième batterie 32 canons de 12 livres. A l’origine, le gaillard d’avant portait 6 canons de 8 et le gaillard d’arrière 10. En 1783, cette artillerie fut réduite à 12 canons, toujours de 8 livres.

  • Le sixième Royal Louis 1811 – 1825.

Trois-ponts du type 118 canons de Sané. Construit à Toulon durant l’Empire sous le nom l’Impérial. Lancé le 1er décembre 1811, il est renommé le Royal Louis au début de la Restauration. Il ne prit part à aucun combat et sera rapidement rayé des listes en 1825. Ce bâtiment possédait les mêmes caractéristiques que les autres 118 canons de type Sané, à savoir :
Dimensions : longueur 196 pieds 6 pouces (63,54 m) ; largeur 60 pieds (16,25 m) ; creux 25 pieds (8,12 m).
Armement : selon le règlement de 1806 : première batterie 32 canons de 36, deuxième batterie 34 canons de 24, troisième batterie 34 canons de 12, sur les gaillards 14 canons de 8 livres et 12 caronades de 36 livres ; soit au total 126 canons.

4 réflexions sur “Les « Royal Louis » de la Marine française

  1. A propos des canons de 48 du Royal-Louis, le comte de Guibert, le théoricien de l’ordre mince, dans des carnets de voyage rédigés apparemment lors d’une visite à Brest peu après le combat d’Ouessant (en bon fantassin il critique les marins sans aucune retenue) , écrit que la batterie Royale, en haut de Recouvrance, était armée de pièces de 48 livres provenant de l’ancien Royal-Louis. Cela indiquerait donc que le vaisseau qui a brûlé à Brest en 1742 aurait été équipé de pièces de 48.

  2. Bonjour. Il s’agit en vérité des canons de 48 destinés à l’origine à l’armement de la première batterie du Royal Louis de 1692. Comme indiqué dans l’article, pour des raisons de stabilité, le vaisseau fut finalement armé de canons de 36. Les canons de 48 servirent à l’armement de la batterie royale faisant partie des défenses de la rade de Brest.

    J’ajoute que contrairement au Royal Louis de 1779 qui porta, un temps seulement il est vrai, des canons de 48 à la batterie basse, les canons de 48 ne furent jamais installés sur le Royal Louis de 1692.

  3. Laurent Hayet (page 3) indique pour le Royal-Louis de 1668 :

    SABORDS.
    Il eſt percé pour 110. pieces de canons ; Sçavoir.
    32. à la premiere baterie.
    28. à la ſeconde.
    26. à la troiſiéme.
    20. ſur les Gaillards.
    4. ſur la Dunette.

    Et (page 21) :

    ARTILLERIE.
    CANONS DE FONTE.
    12. pieces de 36. livres, peſant 60. quintaux piece.
    18. [pièces] de 24. [livres pesant] 50. [quintaux pièce.]
    30. [pièces] de 18. [livres pesant] 40. [quintaux pièce]
    30. [pièces] de 12. [livres pesant] 27. [quintaux pièce]
    20. [pièces] de 8. [livres pesant] 18. [quintaux pièce]
    _____
    110.
        6. pierriers de fonte.

    Le mot fonte signifie ici bronze.

    Douze pièces de 60 quintaux chacune, dix-huit pièces de 50 quintaux chacune, trente pièces de 40 quintaux chacune, trente pièces de 27 quintaux chacune et vingt pièces de 18 quintaux chacune font ensemble 3990 quintaux. Un quintal valait alors cent livres, soit, en arrondissant, 50 ㎏, donc en gros 199,5t d’artillerie au total. Le poids était donc de près de 3t pour un canon de 36 sans son affût, environ 2,5t pour un de 24, environ 2t pour un de 18, environ 1,35t pour un de 12 et environ 0,9t pour un canon de 8.
    Le compte de Laurent Hayet est grandement fautif puisque, au lieu de multiplier pour chaque calibre le nombre des pièces par leur poids, et d’ajouter ensuite ces totaux, il croit judicieux de remarquer que 60 quintaux plus 50 plus 40 plus 27 plus 18 font 195 quintaux, qu’il multiplie par le nombre de canons, soit 110, ce qui lui donne 21450 quintaux, soit plus de mille tonnes d’artillerie !
    Quant aux six perriers, selon Hayet ils pèsent ensemble 21 quintaux, donc environ 175 ㎏ pièce : c’est un chiffre crédible pour ce type d’arme.

    La contradiction apparente entre le nombre des sabords à chaque niveau niveau (page 3) et le nombre des canons par calibre (page 21) me paraît pouvoir se résoudre grâce à la planche précédant la page 1, tirée du livre de Laurent Hayet lui-même, dont le lien est donné dans l’article.

    http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b86069950/f17.highres

    Première batterie :
    Elle est percée à 14, soit, pour l’ensemble, vraisemblablement 12 canons de 36 et 16 canons de 24, donc 28 sabords, auxquels on peut ajouter les 4 sabords des pièces de retraite, qui pourraient être pour 2 canons de 24 au milieu, et pour 2 canons de 18 sur les flancs. En tout, il y a bien 32 sabords, comme indiqué page 3.
    Les douze pièces de 36 livres ainsi que les dix-huit pièces de 24 livres indiquées page 21 sont réparties. Deux des pièces de 18 livres sont déjà réparties.

    Deuxième batterie :
    Elle est percée à 13, soit en tout 26 canons de 18, auxquels s’ajoutent les 2 canons de chasse, donc tirant vers l’avant, que l’on voit au niveau de la deuxième batterie, dépassant de la cloison de coltis, de part et d’autre de la base du mât de beaupré. En tout, il y a bien 28 sabords, comme indiqué page 3.
    Deux pièces de 18 livres avaient déjà réparties à la première batterie, et vingt-huit le sont donc à la deuxième, ce qui fait bien trente pièces de 18 livres, comme indiqué page 21.

    Troisième batterie :
    La présence des porte-haubans et des haubans gêne le compte.
    Le dessin de Pierre Puget qu’on estime représenter le premier le Royal-Louis (voir en tête de l’article ci-dessus) montre un sabord en trop à chaque flanc des deux batteries basses (15 à la première et 14 à la deuxième), et autant de sabords à la deuxième qu’à la troisième. Si l’on se fie à cette analogie, ce ferait ici 13 sabords à cette dernière, donc 26, comme indiqué page 3. Sur la planche du livre de Laurent Hayet on voit aussi qu’il y a quatre pièces de chasse (trois visibles, et une cachée par le mât de beaupré, mais dont la présence se déduit par symétrie). Elles ne sont pas comptées parmi les sabords, et seraient donc en sus des canons, comme les perriers, auxquels on doit donc les identifier.
    Vingt-six des trente pièces de 12 livres sont réparties à la troisième batterie : il en reste quatre. Quatre des six perriers sont répartis : il en reste deux.

    Gaillards :
    Il me semble qu’il y a 2 sabords au flanc tribord du gaillard d’arrière sur le dessin de Puget, où je ne vois pas ceux du gaillard d’avant, et je compte 5 sabords au flanc du gaillard d’avant du Royal-Louis représenté dans le livre de Laurent Hayet, où je ne vois pas ceux du gaillard d’arrière. Il y en aurait donc 7 en tout sur chaque flanc, donc 14, auxquels s’ajoutent les 6 des pièces de chasse (cinq visibles, et un caché par le mât de beaupré, mais dont la présence se déduit par symétrie).
    Je suppose provisoirement que les 4 pièces de 12 restant à repartir correspondent aux 4 pièces (2 sur chaque flanc) des gaillards d’arrière, et le gaillard d’avant compterait donc 10 pièces de 8 sur les flancs (5 de chaque côté) et 6 pièces de chasse de 8 livres, soit en tout 20 sabords pour les gaillards, comme indiqué page 3.
    Les quatre pièces de 12 livres restantes sont maintenant réparties, ainsi que 16 pièces de 8 livres. Il reste 4 pièces de 8 à répartir (et deux perriers).

    Dunette :
    D’après la page 3, la Dunette compte quatre pièces, qui doivent donc être les quatre pièces de 8 livres mentionnées ci-dessus.
    On peut supposer que se trouvaient là aussi les deux derniers perriers.

    Ainsi, le compte est exact tant pour la page 3 que pour la page 21, donc il n’est pas impossible que Hayet ne se soit pas trompé. Cependant la présence de quatre perriers, armes peu efficaces sinon contre le personnel, est surprenante à la proue : on les attendrait sur la dunette, d’autant plus que ces pièces fort légères semblent mal placées sous les six canons de chasse de 8 livres, bien plus pesants. Si on a deux pièces de chasse de 18 livres à la seconde batterie, on s’attend à ce que les quatre pièces de chasse de la troisième batterie soient de 12 livres, et que les six pièces de chasse du gaillard d’avant soient de 8 livres.
    On pourrait aussi penser que, à la première batterie, les quatre canons de retraite seraient tous de 18 livres, ce qui pour les pièces de chasse de la deuxième batterie laisserait deux canons de 24 livres. Cette solution a ma préférence, mais ce n’est qu’une interpolation de plus.

    Je propose donc de corriger la répartition de l’artillerie de la manière suivante :

    Première batterie :
    – Sur chaque flanc, 6 × 36 liv. + 8 × 24 liv.
    – À la poupe, 4 × 18 liv.

    Deuxième batterie :
    – Sur chaque flanc, 13 × 18 liv.
    – À la proue, 2 × 24 liv.

    Troisième batterie :
    – Sur chaque flanc, 13 × 12 liv.
    – À la proue, 4 × 12 liv.

    Gaillards :
    – Sur chaque flanc, 2 × 8 liv. + 5 × 8 liv.
    – À la proue, 6 × 8 liv.

    Dunette :
    – Sur chaque flanc, 3 perriers.

    Ainsi, à la proue, on aurait deux canons de 24 livres pesant ensemble près de 5t à la deuxième batterie, quatre canons de 12 livres pesant ensemble près de 5,4t à la troisième batterie (et non quatre perriers qui feraient à peine 0,7t ensemble), et six canons de 8 pesant ensemble également 5,4t au gaillard d’avant. De bas en haut, la salve des canons de chasse ferait de 48 livres, à la fois pour la deuxième batterie, pour la troisième batterie et pour le gaillard d’avant.

    En attendant que quelqu’un trouve  une explication plus cohérente pour corriger la très vraisemblable erreur de Laurent Hayet…

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